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Quatrième trimestre 2021: un changement de régime économique à apprivoiser

Des prix sous surveillance

  • L’inflation de base demeure élevée aux États-Unis.
  • Sa trajectoire reste déterminante pour l’économie et les marchés. 

Les prix continuent de progresser aux États-Unis. Même s’il a été nuancé, le message de la Réserve fédérale penche toujours en direction d’un mouvement de nature essentiellement transitoire. Certaines composantes de l’inflation tendent pourtant à perdurer. Et cette évolution ne concerne pas la seule conduite de la politique monétaire, elle influe aussi sur la structure des coûts des entreprises et sur le pouvoir d’achat des ménages. Une donnée avec laquelle, il faut à nouveau composer. 

À l’origine du mouvement, le rebond vigoureux de l’activité depuis le printemps 2020. La forte demande a engendré – ou accentué – des tensions tout au long des chaînes de production de nombreux biens et services.

Du temporaire qui dure

L’impact de l’inflation sur l’économie reste gérable tant qu’elle ne dure pas ni ne s’accroît. Or, si l’on se concentre sur les États-Unis, dont la situation est suivie de près par les marchés financiers, la progression des prix engendrée par la crise sanitaire ne montre pas de signes de normalisation, alors que d’autres secteurs ont entamé un mouvement de rattrapage. Ainsi, un retour à la normale n’est pas attendu avant l’an prochain sur le marché des semi-conducteurs, dont la pénurie pèse sur plusieurs secteurs d’activité. Pendant ce temps, les prix du logement, composante importante de l’inflation de base, progressent. Quant à la problématique énergétique, les tensions pourraient durer jusqu’au printemps. 

Un prolongement de ces tensions inflationnistes pourrait empêcher le cercle vertueux – consommation, bénéfices, embauches, consommation, etc. – de jouer son rôle dans la solidification de la croissance. Dans ce contexte, le moral des acteurs économiques prend une dimension cruciale. Si la consommation, qui compte pour plus de deux tiers dans le PIB américain, dépend de la situation sur le marché de l’emploi, elle répond aussi à l’évolution du revenu réel des ménages. Les soutiens gouvernementaux et la reprise de l’activité permettent une solide progression des salaires malgré un taux de chômage encore assez loin de ses plus bas. Or, le revenu disponible réel des ménages va être affecté par l’inflation et la fin des aides. 

Du côté des entreprises, les bénéfices progressent à un rythme soutenu, ce qui leur permet d’encaisser la hausse des prix. Jusqu’à quand les marges résisteront-elles? La question se justifie d’autant plus que l’environnement des affaires change et, avec lui, la structure des coûts des entreprises. La crise sanitaire a accéléré le déclin du tout globalisé. Les prix à la production doivent petit à petit compter avec un début de relocalisation, de prise de conscience climatique, de réglementation en hausse, etc., soit autant de coûts récurrents. Un suivi attentif des divers indicateurs avancés s’impose donc.

Volatilité en hausse

La trajectoire de l’inflation sera déterminante pour l’économie et les marchés financiers. Plusieurs scénarios sont envisageables. Le plus probable n’est pas le plus idéal. L’inflation de base devrait progresser entre 2,5% et 3% l’an prochain. S’il évite tout gros dérapage, ce scénario laisse entrevoir une certaine modération de la reprise et l’augmentation de la volatilité sur les marchés. 

Un changement de régime économique à digérer

  • Après avoir atteint son pic en 2021, la croissance se poursuit.
  • Sa vigueur dépendra de la confiance des acteurs économiques et de l’inflation.
  • Les actions gardent un potentiel haussier sur la distance, mais plus irrégulier. 

La croissance mondiale se poursuit. Mais à un rythme plus modéré, plus normal que celui qui l’a vue atteindre son pic en 2021 dans un environnement exceptionnel. Qu’entend-on par normalisation? L’activité est-elle solide? Ce sont ces incertitudes qui expliquent l’entrée des marchés dans une phase plus irrégulière depuis leur plus haut de début septembre. L’économie mondiale traverse une période de transition attendue, dont la durée dépendra de plusieurs passages de témoins clés. 

Comme le montrent les indices des directeurs d’achats (PMI) composites, après la Chine en 2020 et les ÉtatsUnis au printemps, la zone euro a vu sa croissance atteindre son pic cet été. L’économie européenne devrait encore progresser d’environ 3,5% en 2022 selon l’indice PMI qui reste largement supé- rieur à 50, limite entre croissance et recul de l’activité.

Au tour de la consommation et de l’emploi

Un chiffre donne la mesure de l’ampleur de la tâche de normalisation: les principales banques centrales de la planète ont racheté USD 900 millions d’actifs par heure entre 2020 et 2021. La Réserve fédérale l’a annoncé, ses injections de liquidités vont diminuer pour tendre vers zéro en 2022. Il n’est toutefois pas question de hausse des taux avant le quatrième trimestre de l’an prochain aux États-Unis. La politique monétaire restera ainsi foncièrement accommodante au vu de l’écart entre les taux et l’inflation. Les soutiens politiques sont aussi appelés à diminuer ou à s’étaler sur la durée au travers de travaux d’infrastructures à plus longue haleine que la distribution de chèques aux ménages ou de crédits facilités aux entreprises.

En Europe, si la diminution des interventions de la Banque centrale européenne (BCE) est envisagée, il n’est pas encore question de toucher aux taux. Les bonnes nouvelles économiques sont légion, à l’instar de l’emploi en France ou de la croissance en Italie, mais les besoins de financements publics restent colossaux. Quant à l’inflation, comme elle est essentiellement tirée par les coûts, notamment de l’énergie, elle demeure plus facilement maîtrisable. En Suisse, plutôt que d’inflation, il est préférable de parler d’éloignement des pressions déflationnistes. La Banque nationale suisse (BNS) devrait ainsi maintenir le statu quo alors que le franc reste fort. 

La clé de la solidité de la croissance réside dans le passage de témoin entre les mesures de soutien et le duo consommation/emploi comme moteur de l’activité. Sa réussite dépend de la confiance des acteurs économiques – que ce soit les ménages ou les chefs d’entreprise -, mais aussi de l’évolution de l’inflation, notamment aux États-Unis. Sans même parler bien sûr de la pandémie.

Au tour des bénéfices

Sur les marchés aussi un chiffre donne la mesure de l’ampleur de la tâche de normalisation: les bénéfices des sociétés ont progressé de 40% en rythme annualisé entre l’été 2020 et l’été 2021. Désormais, ils devraient avancer au rythme d’environ 10% d’ici l’été prochain. À l’instar de celui de la croissance mondiale, le pas des bénéfices reste soutenu, mais moins extraordinaire et sûr qu’il ne l’a été. Or, leur évolution prendra d’autant plus de poids sur les marchés que les politiques monétaires se montreront un peu moins accommodantes. Il est en effet intéressant de noter que l’évolution des bilans des principales banques centrales de la planète et celle des actions mondiales présentent une forte similitude. Les entreprises devront par ailleurs compter désormais avec une hausse des coûts prolongée, voire des changements structurels susceptibles d’éroder leurs marges. Notamment aux États-Unis où des déséquilibres sont criants sur le marché du travail entre offres et demandes.

La poursuite de la reprise et le maintien des taux à des niveaux toujours bas permettent de maintenir une vision constructive envers les actions sur la durée. Mais l’adaptation des marchés au nouveau régime économique et monétaire explique leur tendance irrégulière cet automne. La clé réside dans l’issue du match entre les bénéfices toujours en progression et les valorisations qui tendent à baisser alors que les taux réels affichent un biais haussier. Dans ce contexte, l’analyse de l’évolution de la structure des coûts des entreprises s’impose, surtout en cas de ralentissement plus fort qu’attendu des bénéfices. 

La progression des revenus disponibles des ménages américains ralentit après la fin des deux vagues d’aide gouvernementale directe, mais reste à un niveau élevé (6%). Le pouvoir d’achat est lui érodé par la hausse de l’inflation de base qui demeure aux environs de 4%. La vigueur de la reprise sera aussi corrélée à l’évolution du moral des consommateurs américains.

L’évolution des actions mondiales va dépendre du degré de ralentissement de la croissance des bénéfices et de l’évolution des taux à 10 ans américains, qui pourraient se situer entre 1,5% et 1,75% d’ici le début 2022. Les valorisations élevées pourraient être affectées par une progression des taux, notamment si elle se renforce.

Avantage maintenu aux actions

Une légère surpondération des actions dans les portefeuilles se justifie. Géographiquement, le marché américain garde son intérêt en raison notamment de bénéfices toujours dynamiques. Une attitude plus neutre s’impose envers les secteurs cycliques ou les petites et moyennes capitalisations. Faut-il pour autant davantage de positions défensives? Pas tant que les indicateurs avancés restent en zone positive.  

Les marchés à l’heure du «oui, mais…»

1. Quelle attitude adopter envers les actions?

Nous maintenons une surpondération des actions, mais plus modeste que cet été. Le contexte économique reste favorable à cette classe d’actifs puisque la croissance économique va se poursuivre à l’horizon 2022 et que les politiques monétaires restent globalement accommodantes. Mais cet environnement ne sera plus aussi favorable qu’il ne l’a été durant les trimestres précédents. Les marchés doivent désormais vivre à l’heure du «oui, mais…». Cette nuance s’explique par le ralentissement de la progression des bénéfices et par la réduction des injections de liquidités annoncée par les banques centrales, en particulier par la Fed. Si les valorisations élevées peuvent s’avérer plus contraignantes dans un tel contexte, nous ne tablons pas sur un recul important du rapport cours-bénéfices. Nous adoptons une position neutre dans le match entre thèmes cycliques et défensifs en attendant d’évaluer la solidité de la reprise. Géographiquement, nous continuons de privilégier le marché américain et plus légèrement les marchés asiatiques, dont la contre-performance semble quelque peu excessive.

2. Où vont les taux longs?

Les taux longs ont progressé cet été sous l’influence de la situation aux États-Unis. Outre-Atlantique, la croissance effrénée a poussé la demande au-delà de ses niveaux de 2019. Conséquence: l’inflation pourrait s’avérer moins temporaire que ne l’a longtemps défendu la Fed. Ce mouvement sur le front des taux reflète le changement attendu dans la conduite de la politique monétaire de la Réserve fédérale, soit une diminution progressive de l’injection de liquidités. Ce changement de régime ne comprend pas encore d’intervention sur les taux directeurs, du moins pas avant la fin de l’an prochain – à moins, bien sûr, d’un dérapage des prix. Les rendements longs ne réagissent toutefois toujours que partiellement à l’amélioration des indicateurs économiques, car les banques centrales continuent d’écraser toute volatilité sur les rendements longs. En Suisse, les taux de la Confédération à 10 ans pourraient avoisiner 0% d’ici le début 2022.

3. L’immobilier indirect garde-t-il de l’intérêt alors que les agios sont élevés?

La demande reste extrêmement forte pour l’immobilier titrisé. Les investisseurs sont prêts actuellement à payer une prime supérieure à 40% pour cette classe d’actifs vue comme une alternative aux obligations et présentant un meilleur rapport rendement-risque que les actions. Des niveaux qui peuvent se justifier tant que les taux restent négatifs en Suisse. Surtout que les fondamentaux restent solides. L’indice des fonds suisses poursuit sa progression. Si une certaine prudence est de mise sur la fin de l’année en raison d’une importante activité de titrisation et d’un biais haussier sur les rendements obligataires, nous restons constructifs sur la durée envers l’immobilier indirect qui ne devrait ni pâtir d’une récession marquée ni d’une forte hausse des taux, peu probables.