Attention aux escrocs! Vos identifiants sont confidentiels, ne les communiquez jamais. Vérifiez bien les coordonnées du bénéficiaire/montant de vos paiements. Soyez vigilant lors d’appels venant d'un support informatique. N’installez jamais de logiciels d’accès à distance. En savoir plus

Pour des raisons de maintenance, BCV-net et BCV Mobile seront indisponibles le samedi 08 mars de 22h30 au dimanche 09 mars jusqu'à 05h00. Nous vous remercions pour votre compréhension et vous prions de nous excuser pour le désagrément.

Après le billet vert, le billet rouge?

Les efforts de la Chine pour libéraliser le marché des capitaux et s'intégrer davantage au système financier international ouvrent un nouveau monde.

Depuis les niveaux les plus faibles de mi-2020, soit juste après l’émergence de la crise sanitaire, le yuan a connu une forte appréciation, de l’ordre de 10% par rapport au dollar et de 8% par rapport à un panier de devises étrangères qui sert de référence à la politique de change de la banque centrale chinoise. En dépit de la décélération de la croissance domestique, de la résurgence des inquiétudes sanitaires et des secousses boursières liées à l’interventionnisme réglementaire de Pékin, la devise chinoise ne connaît pas d’affaiblissement marqué.

La résilience du yuan interroge

Cette résilience du yuan est inédite. En effet, en période d’incertitude, la Chine s’accommodait jusqu’ici très bien d’une monnaie faible. Ce changement de politique peut étonner, mais il est cohérent avec les priorités formulées par le gouvernement central. La revalorisation de la devise chinoise présente en effet bien des avantages aux yeux de Pékin. Elle pourrait faciliter la réalisation simultanée de plusieurs objectifs de nature stratégique, sociale et économique.

Un yuan fort pour s’affranchir des États-Unis

Stratégiquement, l’objectif le plus évident de Pékin est de s’affranchir de la domination financière américaine. À court terme, l’instauration d’une devise forte peut accélérer la dédollarisation des échanges, en premier lieu en Asie, en offrant une alternative monétaire stable et crédible aux partenaires commerciaux de la Chine. À plus long terme, Pékin ambitionne carrément de créer un circuit financier indépendant du dollar et du réseau interbancaire Swift, contrôlé par les États-Unis, afin de mettre le pays à l’abri des sanctions extraterritoriales américaines.

Un instrument de stabilité sociale

Sur le plan social, les autorités considèrent le yuan fort comme un instrument de stabilité intérieure. En particulier comme un rempart à l’inflation qui a toujours été le principal terreau de grandes révoltes populaires, comme celles de Tian’anmen en 1989. En ce sens, l’appréciation de la devise chinoise vient en appui des préoccupations de Pékin d’augmenter le pouvoir d’achat d’une société plus orientée vers la consommation, et qui vieillit; elle permet de limiter la hausse du coût des intrants, notamment des matières premières, et d’attirer les capitaux étrangers afin de mettre en place un système de retraite performant.

Un stimulant économique

Enfin, l’appréciation du yuan face à l’ensemble des monnaies est pour la Chine un moyen d’accélérer la montée en gamme de son économie, et plus particulièrement de son appareil industriel. Elle pousse les entreprises à faire croître leur productivité pour augmenter leur compétitivité et se positionner plus haut sur la chaîne de valeur. Cette approche n’est pas sans rappeler celle de la Suisse ou de l’Allemagne d’après-guerre. Elle fait par ailleurs écho au plan stratégique «Made in China 2025» (lire aussi l’article: «Empire du Milieu, empire des milliards, empire millénaire»).

La promotion du yuan par le commerce

Pour encourager une utilisation accrue de sa monnaie, la Chine est active sur trois fronts. Le premier est celui du commerce. Le yuan est de plus en plus utilisé dans les transactions commerciales, en particulier dans le bloc des économies du Grand Est asiatique, et sert de support de financement au grand projet de réhabilitation des routes de la soie.

Une devise d’investissement mondiale

Le deuxième vecteur de promotion du yuan est la poursuite de la libéralisation du marché des capitaux. L’intégration croissante de la dette chinoise en monnaie locale dans les indices obligataires mondiaux a, par exemple, généré un puissant appel d’air des investisseurs internationaux vers cette catégorie d’emprunts qui délivrent des rendements attractifs. Le marché des obligations onshore en yuan s’est d’ailleurs mué en véritable vitrine de la transformation économique en cours de la Chine et jouera un rôle toujours plus important dans les stratégies à revenu fixe des investisseurs internationaux. À la faveur de l’ancrage de plus en plus profond de la Chine dans l’ordre financier international, le yuan sera de facto amené à occuper une place beaucoup plus importante dans les réserves de change des banques centrales.

L’émergence de l’e-yuan

La Chine se montre enfin très active sur le front numérique, en se positionnant comme l’une des nations les plus avancées dans les projets de création de monnaie nationale digitale. La banque centrale a déjà émis 50 000 yuans numériques par l'intermédiaire des banques d'État. Les utilisateurs y accèdent via une application pour smartphone qui leur permet d'effectuer des achats auprès de commerçants sélectionnés. Les consommateurs chinois sont en outre déjà habitués à des systèmes non bancaires similaires, comme Alipay. Ce nouvel instrument pourrait par ailleurs accélérer l’usage international de la devise chinoise. Facile d’utilisation, sans frais, non lié au système financier mondial où la devise américaine règne en maître, l’e-yuan présente un intérêt évident pour les pays qui souhaitent dédollariser leur économie ainsi que pour les milliards d’habitants de la planète qui ne possèdent ni compte bancaire ni carte de crédit. En première ligne les pays émergents.

Un nouveau monde pour les investisseurs

Les efforts déployés par la Chine pour libéraliser le marché des capitaux du pays et s'intégrer davantage au système financier international ouvrent donc une nouvelle ère, une ère dans laquelle le yuan devient une monnaie d'investissement véritablement mondiale. Après le billet vert, le billet rouge? Pas encore. La montée en puissance de la devise chinoise devrait néanmoins être progressivement intégrée dans les portefeuilles. Pour les dossiers qui détiennent d’importantes positions obligataires en dollar, il nous paraît souhaitable de commencer à diversifier cette poche en y intégrant graduellement jusqu’à 10% d’emprunts chinois en monnaie locale.