Olivier Feller, directeur de la Chambre vaudoise immobilière, Vassilis Venizelos, conseiller d’État chef du Département vaudois de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité (DJES), David Michaud, économiste immobilier à la BCV et Giacomo Balzarini, CEO de PSP Swiss Property, ont partagé leur point de vue sur le marché immobilier lors d'une table ronde.

Entreprises 1 décembre 2025
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Immobilier vaudois: une pénurie qui se prolonge

Au-delà des tensions sur le marché, l’immobilier est également au cœur de plusieurs débats politiques. Dont celui de la réforme de la loi vaudoise sur l’énergie. Il en a été question lors de la manifestation organisée par la BCV, les Pros de l’immobilier.

L’immobilier suisse était récemment sous le feu des projecteurs avec la votation sur la valeur locative. Il était aussi au cœur des discussions lors du rendez-vous des Pros de l’immobilier, une manifestation organisée par la BCV. Les principaux constats des dernières années sont toujours valables aujourd’hui, a introduit Andreas Diemant devant les spécialistes du secteur réunis à la Vaudoise aréna. Le directeur général de la division Entreprises de la BCV a évoqué le niveau des taux d’intérêt, l’activité de construction en déclin, une immigration élevée, la fin d’un supercycle immobilier et le net zéro carbone qui est encore loin.

Aux yeux de Giacomo Balzarini, CEO de PSP Swiss Property, le marché a toujours été exposé à du stress, qu’il soit financier, régulatoire ou démographique. «Ce qui permet d’avoir des approches opportunistes, mais il faut toujours conserver une vision à long terme. Nous cherchons à être prêts à acheter pendant les crises pour pouvoir être plus attentistes en dehors.» Pour investir, le CEO a rappelé l’importance d’être convaincu par l’évolution démographique et l’infrastructure d’une ville. Giacomo Balzarini a notamment pris l’exemple de la place St-François à Lausanne, où les prix sont conséquents, mais dont il estime le potentiel loin d’être pleinement réalisé.

Un faible risque de récession

Sur le plan macroéconomique, Sébastien Gyger a évoqué des signaux positifs pour la croissance aux États-Unis. Quant au risque de récession en Suisse, il le considère comme étant très faible. «Pour éviter un retour aux taux négatifs, il faut que les anticipations d’inflation demeurent positives et que l’euro résiste face au franc suisse», a averti le CIO et directeur du département de la Politique d’investissement de la BCV. «Les rendements négatifs sur les maturités courtes indiquent que le marché anticipe la possibilité d’un retour des taux directeurs négatifs. Cependant, ce n’est pas notre scénario principal. La Banque nationale suisse (BNS) aura recours à cette mesure en dernier ressort en raison des distorsions qu’elle crée entre les secteurs économiques.»

David Michaud, économiste immobilier à la BCV, s’est ensuite penché sur le canton de Vaud où une pénurie aggravée de logements sévit. «Pourtant, plus de CHF 4 milliards sont investis chaque année dans le parc immobilier vaudois», a-t-il souligné. La production de logements est cependant en net recul et est attendue à moins de 3000 unités en 2025 et 2026, soit un retour à des valeurs proches de celles de 2003. David Michaud a relevé l’impact de la hausse des coûts de la construction après la pandémie et l’éclatement de la guerre en Ukraine. Il estime toutefois que l’augmentation du prix des biens devrait absorber cet effet. «La situation économique devrait soutenir la production de logements, mais cela ne se réalise pas», a-t-il résumé.

Une loi construite avec tous les partenaires

Les discussions se sont ensuite orientées sur un autre enjeu de taille pour le canton de Vaud: la réforme de la loi sur l’énergie, discutée au Grand Conseil. À l’origine du projet, le conseiller d’État chef du Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité (DJES), Vassilis Venizelos a défendu un texte «construit avec l’ensemble des partenaires, qui a pris en compte l’inquiétude des entrepreneurs». Il a mis en avant le principe de Pareto pour rappeler que l’objectif principal est de cibler la rénovation des grandes «passoires énergétiques» (plus de 750m2), soit quelque 5500 bâtiments qui représentent 20% du parc immobilier classé F et G, mais près de deux tiers de sa consommation d’énergie. «En tant qu’institutionnels, nous sommes déjà prêts. Toutefois, pour d’autres propriétaires, cela peut représenter un délai très court pour rassembler les moyens nécessaires», a précisé le CEO de PSP Swiss Property, Giacomo Balzarini.

Olivier Feller a rappelé avoir combattu la première version de la loi qui imposait trop de contraintes, particulièrement aux plus petits propriétaires. À quelques amendements près, le directeur de la Chambre vaudoise immobilière (CVI) estime désormais que «si on n’accepte pas cette loi, c’est qu’on ne veut pas voir évoluer la sécurité de l’approvisionnement énergétique». Il a néanmoins appelé le gouvernement à maintenir la déduction des frais de rénovation énergétique après l’abolition de la valeur locative pour que «la principale récompense à une rénovation ne soit pas une hausse d’impôts».

David Michaud a pour sa part souligné l’importance des impulsions données par les autorités politiques. «En tant qu’acteur bancaire, notre capacité d’action est limitée. Nous pouvons informer, voire inciter, notamment en proposant des taux plus favorables pour des assainissements énergétiques», a expliqué l’économiste immobilier à la BCV. Vassilis Venizelos a ensuite évoqué un autre axe d’encouragement au travers des simplifications administratives. Le conseiller d’État a glissé que la révision de la loi sur l’aménagement du territoire en cours devrait permettre d’améliorer certaines procédures.