La démocratisation de l'intelligence artificielle n’aurait pas été possible sans trois quarts de siècle d'inventions, a souligné Silvia Quarteroni, responsable de l’unité innovation du Swiss Data Science Center, situé à l’EPFL, lors d'une conférence organisée par la BCV.
La spécialiste, Silvia Quarteroni, revient sur quelques domaines d’application de l’IA au-delà de la vague soulevée par ChatGPT.
Depuis plus d’un an, elle a envahi notre quotidien, fasciné les médias, influencé les places financières. Présente depuis des années dans un certain nombre d’activités, d’outils, l’intelligence artificielle est désormais à la portée de tous. Cette démocratisation n’aurait pas été possible sans trois quarts de siècle d'inventions, rappelle Silvia Quarteroni, en marge d’une conférence organisée par la BCV. La responsable de l’unité innovation du Swiss Data Science Center, situé à l’EPFL, est ainsi remontée dans les années 1950 pour expliquer d’où l’on venait et surtout où l’on se dirigeait. En d’autres termes, quelles sont les utilisations potentielles de l’intelligence artificielle (IA) non seulement sur le plan privé, mais aussi industriel, que ce soit dans l’horlogerie, l’énergie ou encore – et toujours davantage – la santé. Car la mission de son centre consiste à accompagner les entreprises et les institutions privées ou publiques dans l’utilisation de leurs données pour optimiser leurs processus, pour gagner du temps, de l’énergie et de l’argent.
Silvia Quarteroni part bien sûr de ChatGPT, la pointe émergée de l’iceberg IA. Cet outil utilise un sous-ensemble, l’IA générative, d’un autre sous-ensemble de l’intelligence artificielle, le deep learning, qui, lui, date des années 2005-2010. «Depuis 2017, nous observions un certain nombre de tournants importants dans un domaine qui occupaient de nombreux acteurs». Dans ce contexte, «le vrai aspect disruptif de l’outil développé par la société Open AI est qu’il soit parvenu à bouleverser pareillement l’attention des consommateurs».
«Ce qui a changé récemment, poursuit-elle, c’est l’introduction de machines toujours plus complexes capables de tirer parti de vastes quantités de données dans tous les domaines. Ceci, grâce à des mécanismes apprenants savamment organisés.» Ainsi, la machine «peut non seulement apprendre, mais aussi apprendre à apprendre ce qu’on lui demande.» Les capacités de ChatGPT sont «bouleversantes, puisque l’outil a réussi des examens d’université» par exemple. La question de la «différence entre la machine et l’homme peut se poser, convient la spécialiste, mais il existe encore des limitations importantes».
Cela dit, «il est très difficile de représenter l’entier de l’intelligence humaine avec une machine. Je pense d’ailleurs qu’on n’y arrivera jamais». Les modèles d’IA générative «ont été optimisés pour générer du contenu plausible, non pas pour raisonner d’un point de vue logique ou mathématique. Ils n’ont, pour l’heure, pas une capacité de raisonnement très avancée.»
Comment alors, en entreprise, tirer davantage parti de l’IA? Silvia Quarteroni énumère les secteurs «prévisibles», comme tout ce qui relève de la technologie. Elle voit même la génération automatique de codes comme positive en période de pénurie de main-d’œuvre. Elle cite encore ce qui émerge depuis plusieurs mois, à l’instar de l’apprentissage de langues, de la création de contenus, etc. Elle évoque aussi les sciences des matériaux. Elle tient cependant à s’arrêter plus précisément sur la santé. Surtout à l’heure de la médecine personnalisée. Surtout à l’heure du vieillissement de la population. «La santé est un domaine dans lequel, l’IA donne de très bons résultats».
Un exemple? Le Swiss Data Science Center collabore avec le CHUV autour du sepsis, une inflammation généralisée en lien avec une infection grave, autrefois appelée septicémie. «Très difficile non seulement à prévoir, mais aussi à caractériser, le sepsis est néfaste à 30%. Nous développons une méthode d’IA qui permet d’assister les médecins dans la détection de cas.»
Un exemple parmi d’autres. Silvia Quarteroni n’élude pas la question des conséquences de l’IA sur l’emploi. Selon elle, l’IA devrait «créer de nombreux emplois, car la nature même de l’emploi va évoluer dans de nombreux domaines».
On ne parle alors pas que de ChatGPT. Bien au contraire. «Pour les recherches dans la santé, les méthodes utilisées sont souvent des méthodes non génératives de l’IA. Nous utilisons d’ailleurs fréquemment des méthodes classiques de l’IA dans nos recherches». Soit tout ce qui constitue la partie immergée de l’iceberg.