Les fonds apportés par les co-investisseurs sont complétés par une hypothèque, qui représente typiquement 60% à 70% du prix d’achat de l’immeuble.

DANS LE CANTON 24 octobre 2019
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Financement participatif immobilier

Investir quelques dizaines de milliers de francs dans un immeuble sélectionné sur internet sur la base d’un descriptif et de promesses de rendements attractifs: en Suisse également, quelques plateformes proposent d’investir de manière participative dans la pierre. La mise de fonds minimale, typiquement de 20 000 à 100 000 francs, est plus basse que lors de l’achat en solo d’un logement ou d’un immeuble à but de rendement, du fait que la plateforme réunit pour chaque transaction un groupe d’investisseurs.

Concrètement, le co-investisseur devient copropriétaire (la plateforme n’est qu’un intermédiaire) et perçoit une part des loyers au prorata de son investissement, après déduction des frais et des intérêts hypothécaires. En effet, les fonds apportés par les co-investisseurs sont complétés par une hypothèque, qui représente typiquement 60% à 70% du prix d’achat de l’immeuble.

Cet effet, dit «de levier», permet d’augmenter le rendement des loyers par rapport aux fonds investis pour l’achat d’une part, mais il amplifie aussi l’effet des fluctuations du prix de l’immeuble sur la valeur de cette part. Si financer en partie l’achat de son propre logement avec un crédit est usuel dans la mesure où on l’habite à long terme, en faire de même avec un placement financier ne devrait être envisagé que par des investisseurs expérimentés et disposant d’une certaine surface financière. Et ce, d’autant plus que, à la différence d’un placement indirect dans l’immobilier, via des fonds immobiliers ou des sociétés, il n’y a pas de diversification (l’investissement porte sur un seul bien) et la liquidité – c’est-à-dire la possibilité de revendre rapidement la part achetée sans devoir offrir une ristourne pour attirer les acheteurs – est réduite.

Lex Koller

Un autre aspect à prendre en considération est que le co-investisseur, en tant que copropriétaire, est inscrit au registre foncier. En regard de la Lex Koller, il doit donc disposer de la nationalité helvétique ou résider en Suisse. Il doit aussi s’acquitter des droits de mutation et des frais de notaire. Lors d’une revente, les mêmes contraintes s’appliquent. Comme l’explique la Swiss Crowdfunding Association dans un document, cela peut compliquer et renchérir les transactions.

De plus, la banque doit s’assurer que les copropriétaires ont des moyens financiers suffisants en regard de ses critères d’octroi de crédit. La revente d’une part pourrait ainsi ne pas être possible tant qu’un acheteur qui respecte ces critères n’est pas trouvé. Enfin, dans le cas où le vendeur réaliserait une plus-value, il serait soumis à l’imposition sur les gains immobiliers.

Risques de marché

En outre, l’immobilier de rendement présente un certain nombre de risques. En particulier, les autorités craignent actuellement une correction des prix, du fait que ceux-ci ont fortement augmenté ces dernières années, que l’activité de construction est soutenue, que la croissance démographique ralentit, que le taux de logements disponibles est en hausse et que les loyers de l’offre sont en baisse. Les autorités appellent donc tous les acteurs à la prudence et les banques ont resserré leurs critères d’octroi de crédit sur ce marché.

À côté du risque locatif (logements vacants, impayés ou baisse des loyers), il faut aussi prendre en compte le risque de taux (effets négatifs d’une hausse des taux d’intérêt sur le marché, la valorisation de l’objet et potentiellement à terme le coût de financement), les risques de vétusté (travaux nécessaires) ou les risques environnementaux (par exemple un site pollué ou une contamination par l’amiante). Des changements de législation peuvent aussi s’avérer problématiques: une évolution du droit du bail pourrait limiter la possibilité d’adapter les loyers à l’avenir ou un resserrement des contraintes environnementales pourrait obliger à entreprendre des rénovations coûteuses. Le cas échéant, lorsque des décisions doivent être prises, elles le seraient par les co-investisseurs dans le cadre du règlement de copropriété; une vision commune est donc primordiale. Plus généralement, comme dans tout investissement, une analyse complète et soignée est nécessaire pour éviter des déconvenues futures.

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