Nous entrons dans un nouveau cycle pétrolier. Le rebond enregistré par les prix du baril depuis leur plus bas du début d’année n’est pas passager, malgré l’échec ce dimanche d’un accord entre producteurs, selon le consultant de Pira Energy Group spécialisé dans l’énergie pétrolière, Jean-Matthieu Sternberg. Il s’est exprimé le 13 avril lors du 5 à 7 de la Finance BCV. Entretien.
Comment voyez-vous évoluer les prix du pétrole cette année?
Le pire est derrière nous. Nous nous attendons à un rééquilibrage du marché entre offre et demande dans les prochaines semaines déjà, ce qui permettra au baril de revenir à 50 dollars à la fin de l’année. Et, à observer les différents indicateurs clés du marché, il devrait retrouver un niveau d’équilibre vers 75 à 80 dollars après 2018. A noter qu’aujourd’hui, le prix du pétrole s’avère relativement bas, surtout si l’on prend en considération tous les problèmes géopolitiques dans le monde (Syrie, Irak, Daech, etc.)
Quels sont les éléments qui vous poussent à prévoir un rééquilibrage si rapide du marché?
Nous arrivons à la fin du surplus d’offre qui a caractérisé le marché depuis 2014. Les pays producteurs traditionnels n’ont plus beaucoup de marge de manœuvre en matière capacités de production. L’OPEP devrait mettre 33,19 millions de barils par jour (mbj) sur le marché cette année et 33,87 l’an prochain. Or, ces estimations ne tiennent pas compte de certaines tensions géopolitiques (Nigeria, Venezuela, Algérie, Daech, etc.). Mais l’élément déterminant dans cette analyse de l’offre, c’est la production non-OPEP, principalement les barils américains, qui affiche un fort déclin en raison du recul des prix (-0,77 mbj en 2016). Conséquences: les excédents de stocks commerciaux ont atteint leur pic en début d’année et devraient disparaître à fin 2017. Quant aux capacités de production de réserve (spare capacity), elles stagnent à des niveaux très bas (environ 1,5 mbj) et se situent uniquement en Arabie Saoudite.
Et à plus longue échéance?
Un autre élément joue en faveur d’une progression graduelle des prix: la baisse des investissements conséquence du recul des cours. Plusieurs projets devront ainsi être abandonnés ou retardés, sans oublier que, chaque année, sans investissements, les puits traditionnels déclinent naturellement de 7%. Ce sont ainsi 1,3 mbj qui devraient manquer d’ici fin 2017 en raison de ces économies. A ceci s’ajoute la poursuite de la hausse de la demande qui, contrairement aux idées reçues, n’a jamais baissé. L’an dernier, l’augmentation était de 1,65 mbj et nous tablons pour cette année sur une progression de 1,85 mbj. Habituellement, dans une économie qui croît à un rythme 3%, la hausse avoisine 1,1 mbj. En fait, l’effet prix bas a beaucoup joué sur la demande, surtout dans les pays développés. A plus longue échéance, la demande sera toujours davantage tirée par les économies émergentes. (voir tableau ci-dessous).