Ont participé à la manifestation (de gauche à droite): Patrick Trinkler, CEO et cofondateur de CYSEC, Emna Amri, Chief Innovation Officer de CYSEC, Julien Guex, secrétaire général de la FIT, Emile de Rijk, CEO et cofondateur de SWISSTO12, Julie Böhning, CEO et cofondatrice de PAVE SPACE, Patrick Botteron, directeur, BCV.
Trois entreprises du spatial se sont présentées lors d’une soirée co-organisée avec la Fondation pour l'innovation et la technologie (FIT). Un secteur en transformation profonde.
Identifier de jeunes entreprises en pleine expansion et comprendre un secteur d’activité: depuis plusieurs années, les rencontres co-organisées par la FIT et la BCV, offrent une connaissance pointue et unique sur l’écosystème romand de l’innovation, comme l’a rappelé en introduction Patrick Botteron, directeur des centres de compétences Private Banking à la BCV.
La verticale présentée par la Fondation pour l'innovation et la technologie et la BCV dans les locaux de SWISSTO12 couvrait un secteur mythique et chargé symboliquement: l’industrie spatiale. Les trois entreprises sélectionnées par la FIT, SWISSTO12, CYSEC et PAVE SPACE ont toutes bénéficié d’un soutien de sa part, en 2025 pour PAVE SPACE ou il y a plus d’une décennie pour SWISSTO12. Chacune traverse donc un stade de développement différent, et couvre un champ spécifique d’un domaine en pleine expansion.
La conquête de l’espace constitue en effet un «nouveau continent», une ère nouvelle, comparable «aux débuts d’internet», a souligné Patrick Trinkler, CEO et co-fondateur de CYSEC. Selon le World Economic Forum (WEF), le marché global de l'économie spatiale atteindra USD 1 800 milliards d'ici 2035. Une valeur multipliée par trois par rapport à 2023, qui s’explique par le développement de services satellitaires dans une série de domaines (logistique, observation, militaire, observation, environnement, médias…).
Dans ce marché en pleine émulation, SWISSTO12 a quelques longueurs d’avance. Spin-off de l’EPFL, la start-up est née en 2011 de la volonté d’améliorer les antennes au sol, pour faciliter la communication avec les satellites. Comme nombre de jeunes pousses, elle a vécu une série de développements «non linéaires», comme l’a rappelé son CEO et co-fondateur Emile de Rijk, mais a aussi été soutenue par des partenaires solides, dont l’Agence spatiale européenne (ESA). Cela lui apporte aujourd’hui une série de brevets (400 dans 35 domaines), des références incontournables (Thalès, mais aussi SES ou VIASAT, principaux opérateurs de communications dans l’espace) et un joli portefeuille de produits: antennes au sol, centres de contrôles de satellites, et depuis peu, un satellite géostationnaire de nouvelle génération. Ce «Hummingsat», à la taille et au coût réduit (une tonne contre 3 à 7 tonnes habituellement dans cette catégorie), permettra de réduire les coûts, et de multiplier les applications possibles, grâce notamment à une technologie d’impression 3D.
Basée à Renens avec des antennes à Atlanta (Géorgie), Foster City (Californie) et en Espagne, SWISSTO12 emploie aujourd’hui 250 personnes et a réalisé un chiffre d’affaires de près de CHF 150 millions en 2025 – contre CHF 4 millions il y a encore quatre ans. Une croissance qui a été financée de manière «locale», soit avec des soutiens suisses et européens, a souligné Emile de Rijk.
Aujourd’hui, l’entreprise lève des fonds pour développer une technologie déjà imaginée par l’auteur de science-fiction britannique Arthur C. Clarke (1917-2008): une constellation de trois satellites géostationnaires. Elle permettra de couvrir l’entier du globe et de fournir un service de «haute disponibilité et de haute précision», indique Emile de Rijk. Un utilisateur premium pourra ainsi localiser sa position à 10 cm près – et non à des dizaines de mètres, comme c’est le cas aujourd’hui.
PAVE SPACE comble un besoin de la clientèle de satellites: la rapidité de leur déploiement. En effet, ces engins doivent être déployés dans des zones précises. «Souvent, après le lancement, il s’écoule entre 6 et 12 mois avant qu’ils rejoignent leur orbite finale et génèrent du revenu», a expliqué Julie Böhning, CEO et co-fondatrice de cette jeune start-up. PAVE SPACE a imaginé un remorqueur-livreur à satellites, qui pourrait en embarquer plusieurs et les déployer en moins de 24 heures. Une technologie en développement – les sous-systèmes centraux ont déjà été testés –, qui promet une économie d’environ CHF 30 millions pour la clientèle. Et un savoir-faire issu du Gruyère Space Program qui avait, dès 2019, prototypé et financé le premier démonstrateur de fusée réutilisable en Europe. Preuve de la force de l’équipe tant dans les algorithmes de contrôle que dans l’intégration rapide et agile de systèmes complexes. PAVE SPACE occupe 30 personnes à Crissier et a réalisé un chiffre d’affaires de CHF 500 000 en 2024.
PAVE SPACE lève aujourd’hui des fonds pour financer, principalement, un lancement test de son futur remorqueur.
Enfin, Cysec a permis aux personnes présentes de découvrir un autre enjeu majeur du secteur spatial: la sécurisation de ses infrastructures. Lancée en 2018 à Lausanne par deux cofondateurs expérimentés dans le domaine, l’entreprise souhaite protéger les communications et les terminaux connectés entre eux via satellite. Les outils traditionnels de protection des télécommunications ne fonctionnent en effet pas pour les connexions par satellites, aussi CYSEC a développé des encrypteurs, soit des dispositifs ou logiciels qui chiffrent les données transmises et empêchent toute interception. Des outils qui non seulement protègent la communication satellite, mais aussi «l’accélèrent, ce qui nous rend uniques sur le marché», a expliqué Patrick Trinkler, CEO et cofondateur de l’entreprise qui compte déjà plusieurs clients institutionnels (étatiques ou entreprises). La start-up a également construit une communauté spécialisée autour des risques dans le domaine spatial.
CYSEC cherche aujourd’hui à lever des fonds pour déployer plus largement sa technologie.
Patrick Botteron a conclu la soirée en soulignant l'importance que revêt l'innovation pour l'économie vaudoise. Et de rappeler l'implication de la BCV dans cet écosystème depuis sa création il y a une trentaine d'années. Un engagement pour l'innovation qui prend plusieurs formes, comme le prouve cette manifestation qui vise à promouvoir des sociétés créatrices d’emplois pour le canton.
Camille Andres pour la BCV
Les soirées co-organisées par la FIT et la BCV ont pour but de mettre en lien des entreprises avec des investisseurs et des investisseuses. Un concept à retrouver en ligne, sur la plateforme FIT Investors, développée par la Fondation pour l'innovation et la technologie: elle ne réunit que des start-up soutenues par la FIT, et des investisseurs connus de la Fondation. En octobre 2025, elle comptait 128 profils d’investisseurs potentiels actifs, 122 start-up inscrites et 13 levées de fonds étaient en cours.