Entamer sa réflexion très en amont de la transmission de son entreprise est un des messages transmis lors d'une manifestation organisée par la BCV et Berney Associés, à laquelle participaient Nicole Waelti-Ansermot, responsable du Conseil patrimonial et Aude Tinguely, spécialiste en transmission d'entreprises de la BCV ainsi que Raphaël Leveau de Berney Associés (voir ci-dessous).

Entreprises 4 décembre 2025

Transmettre son entreprise: au-delà des chiffres et des graphiques

Le processus de vente de sa société passe par de nombreuses étapes, dont certaines sont chargées émotionnellement. Attention aux pièges.

Transmettre son entreprise ne se fait pas uniquement avec des tableaux et des graphiques. Les entrepreneurs doivent être conscients que de nombreuses étapes psychologiques vont rythmer ce processus. Cela commence par se demander honnêtement si on est vraiment prêt à céder son «bébé». Il faut aussi prendre en compte sa santé et à quel point la société dépend de soi, que ce soit pour les aspects financiers, les relations avec la clientèle et les partenaires, ou en ce qui concerne l’autonomie du management en place. Dans tous les cas, il est important d’entamer sa réflexion très en amont afin de s’assurer d’être dans une position permettant d’envisager les meilleures options.

Quelle valeur?

La planification financière n’en représente pas moins une phase fondamentale. Elle commence par connaître la valeur de son entreprise. Des méthodes sont plus ou moins appropriées selon le contexte, mais elle se détermine en général soit par ses flux financiers soit par une comparaison sur le marché. Une valorisation n’est cependant pas un prix et c’est là que tout peut se compliquer. «Les propriétaires ont généralement un prix du cœur en tête», a relevé Raphaël Leveau, associé chez Berney Associés, lors d’un événement organisé conjointement avec la BCV. «Ce montant correspond à son investissement personnel, qui n’est pas seulement financier, et il n’est pas toujours applicable sur le marché.»

 

Raphaël Leveau, associé chez Berney Associés, a partagé son expérience lors d'une manifestation dédiée aux transmissions d'entreprises.

Le choix de la famille ou des cadres clés

Le profil de l’acquéreur est l’un des premiers facteurs qui influencent le prix. En cas de vente au sein de la famille ou à des collaborateurs ou des collaboratrices, il peut exister une décote estimée généralement entre 10% et 30%. Chaque dossier est néanmoins différent et le prix peut très bien se situer très proche de celui du marché. De plus, il faut mettre en relation le prix de vente avec la valeur fiscale de la société, afin d’éviter que cela soit considéré comme un «cadeau déguisé» fiscalement parlant. Une vente à la famille ou aux cadres permet également de faciliter le processus de due diligence et d’assurer la pérennité de l’entreprise.

Un grand repreneur industriel ou un fonds de Private Equity peut permettre de se rapprocher du juste prix et potentiellement des besoins financiers du propriétaire. «Dans sa réflexion, il est très important de peser à la fois ses intérêts personnels et ceux de l’entreprise – et donc de ses employés», a souligné Nicole Waelti-Ansermot, responsable du Conseil patrimonial à la BCV. La détermination du prix ne résout cependant pas tout. Une fois qu’un accord a été trouvé, il faut encore parler liquidités. Les éventuelles implications fiscales et autres conditions de paiements différés vont encore influencer le montant qui reviendra à l’entrepreneur le jour de la vente.

Garantir le prix le plus juste

Il peut également arriver qu’une clause d’earn-out soit utilisée afin de réconcilier les attentes de l’acheteur et du vendeur. Ce paiement complémentaire conditionné à la performance future permet souvent de se rapprocher du prix de vente du vendeur, mais cela ne doit représenter qu’une faible proportion du prix total. Ce type de paiement complémentaire doit ainsi être rédigé avec soin, notamment pour éviter tout abus entre les parties, mais également pour des raisons fiscales: «l’earn-out est en principe un gain en capital exonéré d’impôts, mais il peut être considéré comme un salaire par l’administration, si les conditions sont mal ficelées et si la clause est formulée de manière inadéquate», avertit Aude Tinguely, spécialiste en transmission d'entreprises à la BCV.

Au-delà des chiffres, la transmission de sa société est souvent un moment chargé d’émotions. Il est donc important que l’entrepreneur s’entoure dans ce processus pour l’aider à prendre du recul. «Cela peut arriver qu’au dernier moment, le stylo à la main, le propriétaire change d’avis pour des raisons émotionnelles», témoigne Claude Romy, co-fondateur de la Chambre suisse des experts en transmission d’entreprises, qui a accompagné près de 200 transmissions d’entreprises. Il est important qu’il soit accompagné par des personnes indépendantes et de confiance.