La documentation de la situation en matière de temps de travail est modifiée pour certaines catégories d'employés depuis janvier 2016.

Entreprises 25 octobre 2016
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Temps de travail: comment le comptabiliser?

Depuis le 1er janvier, des modifications ont été apportées à la comptabilisation du temps de travail. Comment les comprendre et les appliquer selon les secteurs d’activité? Le point avec John-David Burdet, avocat au cabinet Pache Henny Burdet de Lausanne.

Comment le contrôle des horaires de travail a-t-il été pensé jusqu’à aujourd’hui dans nos textes de loi?  

John-David Burdet: La législation en matière de droit du travail est très vaste. L’un des textes importants est la loi sur le travail, l’artisanat et le commerce de 1964, qui s’applique à un grand nombre d’entreprises, privées, dans l’industrie et les services, ainsi que pour certains cas aux entreprises publiques. En 2000, cette loi a été complétée par une ordonnance d’application, dite OLT 1. La loi prévoit l’obligation pour l’employeur de documenter la situation en matière de temps de travail, par la tenue de registre et de pièces. Un contrôle peut être effectué par l’inspection du travail. Toutes les pièces utiles à cette documentation doivent être conservées durant cinq ans. 

Qu'est-ce qui a changé depuis janvier 2016?

L’ordonnance a été modifiée pour mieux correspondre à l’évolution du marché du travail et de la typologie des emplois. Aujourd’hui, la séparation entre vie privée et professionnelle n’est plus toujours nette non seulement pour les cadres et les ouvriers, mais aussi pour de nombreux métiers de services. Deux nouveaux articles (73a et 73b) ont été introduits à partir de janvier 2016 dans l’OLT1 ; ils créent deux nouveaux régimes qui viennent compléter le régime de base: l’enregistrement simplifié, qui prévoit d’enregistrer une seule période par jour, soit l’heure d’arrivée et de départ sans tenir compte des pauses, et la renonciation à l’enregistrement pour les salariés dont la rémunération dépasse 120 000 francs par an et qui disposent d’une grande autonomie de gestion de leur temps.

Comment et à qui s’appliquent ces nouveaux régimes?

Pour les métiers pour lesquels les travailleurs n’ont pas ou peu de possibilité de déterminer eux-mêmes l’horaire de travail, le système ne change pas. L’enregistrement simplifié s’applique ‘aux travailleurs qui peuvent déterminer une part significative de leurs horaires’, c’est-à-dire, à mon sens, une part importante des employés des entreprises du secteur tertiaire. Une seule valeur cumulée par jour devrait être enregistrée, par exemple le nombre d’heures, et elle peut être notée par le salarié lui-même. Cependant, ce nouveau régime simplifié nécessite un accord écrit avec le représentant des travailleurs dans une PME de plus de 50 salariés. Pour les sociétés plus petites, l’employeur doit engager une négociation écrite au cas par cas et veillera à faire figurer cela dans le contrat de travail. Pour le régime de la renonciation à l’enregistrement, une convention collective est obligatoire ainsi que le respect de certaines conditions (grande autonomie dans la gestion du travail, rémunération annuelle brute dépassant 120 000 francs et accord individuel).

«En cas de litige, l’employé qui prétend avoir fait des heures supplémentaires doit être en mesure de le prouver»

Comment mettre en œuvre cet enregistrement simplifié ?

Les modes d’enregistrement du temps de travail ont évolué aussi.  En la matière on peut se référer aux directives du SECO. Enregistrement du temps de travail ne signifie pas uniquement timbrage et peut désormais se faire de multiples façons: un tableau rempli par le salarié lui-même, un badge comptabilisant l’entrée et la sortie, un agenda listant des rendez-vous. Rien n’oblige une société à mettre en place un système unique, mais cela est préférable. On peut recommander de faire attention aux soucis de confidentialité si le nom des clients figure dans les documents de suivi, car ces derniers pourront être consultés lors d’un contrôle. En cas d’infraction constatée par l’inspection fédérale du travail, une correction sera demandée dans un premier temps. Un employeur qui ne respecte pas ces obligations sera rappelé à l’ordre et, s’il persiste, pourra être dénoncé pour non-respect d’une décision d’une autorité en vertu du code pénal.

 Que faire en cas de litige entre employé et employeur sur la durée du temps de travail et notamment les heures supplémentaires?

L’employé a l’obligation de faire des heures supplémentaires si l’employeur le demande. Elles sont rémunérées en principe à 25% de plus lorsqu’elles ne sont pas récupérées, dans une certaine limite. En cas de litige, l’employé qui prétend avoir fait des heures supplémentaires doit être en mesure de le prouver. Mais avec ces régimes de l’OLT, on peut s’interroger: un employeur qui n’aurait pas mis en place de système pour enregistrer les heures de travail pourrait-il encore soutenir que c’est au travailleur de prouver ses heures supplémentaires? Certaines conventions collectives prévoient en effet, dans un tel cas, que le décompte du travailleur est présumé exact. Il y a alors un renversement du fardeau de la preuve. La jurisprudence ne manquera pas de clarifier cette question.

 Une protection pour le travailleur

Selon les constatations faites, ceux qui n’enregistrent pas leurs horaires travailleraient plus que ce qui est requis. Lister les heures permettrait au travailleur de réaliser qu’il travailler trop et préserverait la santé (par ex. éviterait les burn-out). Contrairement au Code des obligations, la loi sur le travail a une nature de droit public et comporte une dimension de protection de la santé publique.

 

Camille Andres, rédactrice, pour la BCV