Les effets de la réforme fiscale américaine sur la marge bénéficiaire des entreprises sont impressionnants.

MARCHÉS 18 septembre 2018
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Pas de trace d’exubérance sur les marchés des actions

Wall Street vit le plus long cycle haussier de son histoire. Les capitalisations boursières d’Apple et d’Amazon ont franchi récemment les 1 000 milliards de dollars. Les indices américains évoluent à des niveaux sans précédent. Dix ans après la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, ces chiffres records interpellent. Certains voudraient voir des similitudes entre la situation actuelle et celle de 2008. Les marchés pécheraient de nouveau par excès d’optimisme. Alors, posons-nous la question sans ambages. L’exubérance est-elle de retour et les valorisations boursières actuelles reposent-elles encore sur quelques fondements rationnels?

Ce que dit le cours d’une action

On trouvera une partie de la réponse en auscultant les résultats des sociétés. Car la valeur d’une action ou d’un indice dépend avant tout de la santé financière des entreprises. Un cours boursier reflète l’aptitude d’un management à dégager des bénéfices et à faire croître un chiffre d’affaires dans la durée. Et les capacités d’une entreprise à s’assurer une marge d’autofinancement suffisante, à maîtriser son degré d’endettement et à rémunérer ses actionnaires.

Des résultats excellents

Dans cette perspective, la qualité des résultats des entreprises américaines et européennes est rassurante. Aux États-Unis, huit sociétés sur dix ont dépassé les attentes, selon des données compilées par Thomson Reuters. La croissance bénéficiaire des entreprises du S&P 500 s’inscrit à +25%. La hausse s’explique pour moitié par la baisse des charges sur les entreprises. Hors effet fiscal, la progression n’en demeure pas moins considérable puisque l’on juge très satisfaisante une croissance des bénéfices de 6% à 9%.

En Europe, les tendances sont aussi encourageantes mais moins spectaculaires. La moitié des entités ayant livré leurs chiffres ont dépassé les attentes. Les profits des entreprises connaissent une hausse de près de 10% par rapport au même trimestre de l’an dernier. Hors énergie, la performance reflue toutefois à +5,6%.

La croissance bénéficiaire des entreprises devrait se maintenir à un niveau élevé ces prochains mois. Elle fait l’objet de révisions positives aux États-Unis pour l’ensemble de l’année. La hausse des bénéfices estimés rend les valorisations américaines moins tendues qu’en début d’année. À un peu plus de 17x les bénéfices estimés, contre plus de 18x au début de 2018, la capitalisation du S&P 500 est revenue à un niveau plus agréable. À moins de 13x les bénéfices estimés, la valorisation du marché européen reste également attractive. Sur la base des informations auxquelles l’investisseur peut se référer aujourd’hui, les cours actuels, tant aux États-Unis qu’en Europe, n’ont finalement rien d’extravagant.

Trois autres facteurs de soutien aux actions

Les dividendes: la capacité d’une entreprise à redistribuer une partie de ses profits à ses actionnaires est décisive pour l’attractivité d’un titre.

Selon l’étude trimestrielle du gestionnaire d’actifs Janus Henderson, les dividendes ont augmenté de 12,9% à l’échelle internationale au cours du deuxième trimestre 2018. Ils ont atteint le montant record de 497,4 milliards de dollars. L’Europe se distingue avec une progression de 18,7% en glissement annuel à 176,5 milliards de dollars. Les versements ont atteint des niveaux sans précédent dans 12 pays, notamment en France, en Allemagne, en Suisse, aux États-Unis et au Japon. Sur l’ensemble de l’année, les dividendes mondiaux devraient s’élever à 1 358 milliards de dollars, soit une hausse de 7,4% par rapport à 2017.

Les rachats d’actions: ces opérations consistent généralement à détruire des titres rachetés sur le marché afin d'augmenter mécaniquement le bénéfice par action.

À fin juillet, les entreprises du S&P 500 avaient déjà annoncé des programmes de rachats d’actions pour un montant supérieur à 750 milliards de dollars. La barre des 1 000 milliards de dollars devrait être franchie cette année, selon Goldman Sachs. Le mouvement est alimenté par la réforme fiscale de l’administration Trump, en particulier par le rapatriement aux États-Unis du cash longtemps parqué à l’étranger par les multinationales américaines (300 milliards de dollars au premier trimestre). Le rachat d’actions est une pratique largement plus répandue outre-Atlantique qu’en Europe. Toutefois, quelques programmes d’envergure ont été récemment mis en place par les grandes entreprises du Vieux Continent, comme Shell et Nestlé qui, toutes deux, se sont engagées dans des plans de rachats de titres dépassant chacun les 20 milliards de dollars.

Les fusions-acquisitions: la reprise d’une entreprise cotée se fait habituellement en octroyant aux actionnaires de la société cible une prime par rapport au cours du marché, ce qui gonfle les valorisations.

Ces opérations ont atteint le montant record de 2 500 milliards de dollars au premier semestre sous l’effet d’une forte progression des mégadeals, à savoir les transactions supérieures à 10 milliards de dollars. Toujours grâce à la réforme fiscale, les entreprises américaines jouent les premiers rôles dans ce phénomène de concentration. À relever que les fonds de Private Equity se montrent de plus en plus actifs dans ce domaine, ce qui témoigne du déplacement du financement de l’économie vers les fonds privés. L'année 2018 est en bonne voie pour battre le record historique de 2007 en matière de fusions-acquisitions.

Nicolas Gay-Balmaz, rédacteur BCV