Il est de plus en plus fréquent d’avoir des enfants sans être marié. Une situation a priori sans difficulté, mais qui, en cas de séparation, peut devenir un vrai casse-tête notamment sur le plan fiscal!

VOTRE ARGENT 17 mars 2022

Union libre: tout savoir sur les aspects financiers ou juridiques

Vivre en ménage sans être passé devant Monsieur le maire est une situation particulière qui, en cas de séparation ou de décès, peut se révéler difficile. Anna D. Vladau, avocate-fiscaliste à Lausanne, explique comment éviter d’éventuels désagréments.

Le saviez-vous? Vivre en concubinage peut comporter des risques. En effet, une union maritale est régie par la loi. Mais, dans le cas de l’union libre, il n’y a pas de dispositions légales spécifiques. Celle-ci peut engendrer des difficultés en cas de séparation ou de décès. Voici les principales questions à se poser.

1. À qui appartiennent les biens en commun?

Pour le droit suisse, une situation de concubinage est considérée comme une société simple. C’est-à-dire qu’en cas de séparation, il faudra la «liquider» (comme on liquide une entreprise). La procédure est en principe logique: chacun ou chacune récupère ce qui lui appartient. Quand il s’agit d’une maison, les titres de propriété sont établis et faciles à prouver. Mais pour ce qui est des objets… cela peut s’avérer plus compliqué. Et en cas de décès, si rien n’a été prévu, le risque financier est majeur pour la personne survivante (voir rubrique 4 ci-dessous).

La solution?

  • Gardez les factures de tous les biens que vous achetez lors de votre concubinage, et que vous souhaiteriez récupérer en cas de séparation (équipements électroménagers, meubles, etc.)
  • Si vous faites l’acquisition d’un bien immobilier commun, assurez-vous d’être tous les deux propriétaires. Auquel cas, l’une des deux parties pourrait se retrouver lésée en cas de vente.
  • Si la séparation est conflictuelle, rencontrez ensemble une avocate ou un médiateur: cette tierce personne vous aidera rapidement à trouver une solution commune. La méthode réduira les coûts, puisque c’est la même personne qui est sollicitée par le couple. Le tout évite de passer devant la justice, forcément source de frustrations.

2. Qu’en est-il de la prévoyance?

Dans un couple, il arrive que l’un des conjoints cesse de travailler ou réduise son temps de travail soit pour élever des enfants, pour finaliser un projet, pour monter une entreprise... Durant cette période, ses cotisations sociales sont donc réduites ou inexistantes. Ce qui freine la constitution d’un deuxième, voire d’un troisième pilier. Sur quelques mois ou sur un an, la perte en termes de revenus à la retraite peut tout à fait être compensée par la suite. En revanche, une inactivité de plusieurs années ampute sérieusement la pension de retraite.

Enfin, en cas de décès, aucune rente n’est prévue pour les conjoints en concubinage. La rente de veuf ou de veuve, versée par l’AVS, est réservée aux personnes mariées. Certaines assurances sociales (2e et 3e piliers) prévoient cependant des rentes pour le survivant ou la survivante, selon certaines conditions.

La solution?

  • Les personnes en ménage peuvent solliciter leur caisse de pensions professionnelle pour lui demander un certificat de déclaration de leur partenaire.
  • Prévoir l’ouverture d’un 3e pilier peut compenser un éventuel déficit de cotisations au 2e pilier.
  • Rédiger une convention pour prévoir la répartition des biens et des avoirs en cas de décès du ou de la partenaire (voir paragraphe 4). À Lausanne, le Bureau information femmes a conçu une convention de cinq pages, qui permet d’anticiper tous les tracas générés par une séparation ou un décès en union libre. Elle est téléchargeable gratuitement, et valable comme n’importe quel contrat de droit commun une fois signée par les deux membres du couple.

3. Comment organiser la garde des enfants en cas de séparation?

Il est de plus en plus fréquent d’avoir des enfants sans être marié. Une situation a priori sans difficulté, mais qui, en cas de séparation, peut devenir un vrai casse-tête notamment sur le plan fiscal! En effet, des enfants à charge peuvent avoir un impact majeur sur l’imposition, selon les revenus et déductions applicables.

En cas de séparation, certains paramètres sont à prendre en compte. Qui, des deux parents, dispose de la déduction pour la charge des enfants? L’imposition se fait-elle sur un barème parental ou célibataire? Qui a droit à des déductions fiscales pour le versement des montants pour enfants à charge? Qui a le droit de déduire des frais de garde ou des contributions d’entretien?[MLC(1] 

Cette liste vous donne le tournis? C’est normal. Selon leur combinaison, ces différents éléments peuvent entraîner des frais d’imposition très différents. Aussi, le plus simple est souvent de se mettre d’accord dès le départ, lorsque tout va bien, pour éviter le conflit en cas de séparation.

La solution?

  • Si vous êtes un couple non marié, mais avec enfants, rédigez une convention qui décide de la manière dont vous envisagez la garde de vos enfants en cas d’éventuelle séparation.
  • Mettez-vous d’accord sur qui déclarerait les enfants à charge, qui verserait des contributions d’entretien. Mieux vaut avoir une convention qui ne vous donne pas totalement satisfaction que de laisser un juge trancher pour vous.
  • Cette convention peut être réadaptée chaque année.

4. Si l’un des deux décède, qui va hériter?

Si votre conjointe ou conjoint décède, aurez-vous le droit de résider dans le logement où vous vivez? En êtes-vous propriétaire? À 100%? Si c’est une location, votre nom figure-t-il sur le bail? Est-ce que vous pourrez régler le loyer mensuel sans difficulté?

Le décès est le principal risque d’une union libre et des mesures doivent être prises dans cette éventualité. En effet, en droit suisse, le conjoint ou la conjointe n’est pas prioritaire par rapport aux héritiers «de sang» de la personne défunte. Enfants, parents, frères ou sœurs bénéficient, en principe, de la succession. Si une succession a été planifiée entre concubins non mariés, son imposition peut s’élever jusqu’à 50% du montant total de ce qui est transmis. Ce qui laisse à la personne qui hérite le choix de payer ou de refuser la succession.

La solution?

  • Le pacte successoral est une aide précieuse en cas de décès d’un conjoint, dans un couple hors mariage. Il met en principe tous les héritiers et héritières d’accord: chacun décide d’accepter ou non ce à quoi il aurait droit légalement. Un choix qui permet de s’épargner des conflits et les frais de justice liés, au moment d’un décès.
  • En revanche, il ne réduit pas le montant de l’impôt dont doit s’acquitter chaque personne de l’union hors mariage.
  • Le droit successoral suisse devrait connaître une révision en 2023, ce qui pourrait bénéficier aux personnes non mariées.

Anna D. Vladau est avocate-fiscaliste chez VB Avocats Sàrl à Lausanne. Elle est au bénéfice de nombreuses années d’expérience, particulièrement en matière de fiscalité suisse et internationale. Elle accompagne et soutient sa clientèle, notamment dans sa planification fiscale et patrimoniale. Elle est également engagée et active dans la vie associative, notamment comme vice-présidente du Jeune barreau vaudois et Présidente de la Women’s Business Society.Anna D. Vladau est avocate-fiscaliste chez VB Avocats Sàrl à Lausanne. Elle est au bénéfice de nombreuses années d’expérience, particulièrement en matière de fiscalité suisse et internationale. Elle accompagne et soutient sa clientèle, notamment dans sa planification fiscale et patrimoniale. Elle est également engagée et active dans la vie associative, notamment comme vice-présidente du Jeune barreau vaudois et Présidente de la Women’s Business Society.