Retirer le capital LPP nécessite d'avoir de solides connaissances en matière de placement.

VOTRE ARGENT 17 décembre 2019
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Risqué de prendre le capital du deuxième pilier?

« Choisir de prendre le capital du deuxième pilier à la place de la rente, est-ce fait pour tout le monde ? » (Nicolas, 51 ans). Fabrice Welsch répond à un lecteur de Générations.

Ils sont 31% des assurés en Suisse à retirer leur deuxième pilier sous forme de capital. Mais savent-ils ce qu’ils font ? Cette question est légitime, car la RTS s’est fait récemment l’écho de la déconvenue du navigateur Roger Montandon, qui a perdu son capital à la suite de son choix d’investissement.

Retirer le capital de sa caisse de pension au moment de la retraite, quand cela est possible, nécessite d’avoir de solides connaissances en matière de placements, un projet d’investissement qui tient la route sur le long terme et un très bon conseiller. Car l’argent perçu ne peut pas simplement dormir sur un compte. En effet, si la rente vous est versée autant d’années que vous êtes en vie, le capital va fondre inexorablement à chaque retrait servant à assurer votre revenu et se tarir souvent plus rapidement que prévu. Pour qu’il dure assez longtemps, il est donc nécessaire de le faire croître de manière réfléchie, dans le but de financer votre retraite.

Le calcul se révèle toutefois compliqué, car une inconnue subsiste : combien d’années doivent être assurées ? 10, 20, 30 ans ? L’espérance de vie n’ayant fait que s’allonger ces dernières décennies, il paraît raisonnable d’envisager un revenu sur du long terme.

Les possibilités à prévoir

Trois possibilités de perception du deuxième pilier s’offrent aux futurs rentiers :

  1. la totalité des avoirs sous forme de rentes, versées mensuellement dès la fin de l’activité professionnelle. Ce cas de figure ne nécessite généralement aucune demande préalable auprès de la caisse de pension et sera, sauf exceptions, appliqué par défaut. La rente est imposée intégralement comme un revenu.
  2. la totalité des avoirs sous forme de capital, perçu en une fois et imposé sur le revenu de manière unique, à un taux réduit. Ce choix n’est pas toujours possible, car lié aux clauses du règlement de la caisse de pension.
  3. une combinaison des deux premières alternatives, qui est soumise à certaines limites légales. La loi prévoit de pouvoir bénéficier au moins de 25% de l’avoir de prévoyance minimum sous forme de capital, même si le règlement de prévoyance n’en fait pas mention. Pour le reste des avoirs, l’autorisation du prélèvement en capital dépend des clauses inscrites dans ce même règlement.

Le délai pour demander le capital peut aller jusqu’à trois ans avant la date de la retraite effective. Il est donc nécessaire de faire ses calculs de budget bien en amont.

Confiance et peur

Retirer le capital du deuxième pilier est un choix qui n’est pas toujours rationnel. Il peut être lié à la perte de confiance dans le système de prévoyance (« au moins, je suis sûr de ce que j’ai et advienne que pourra »), à la maladie ou à un facteur génétique (« tous les membres de ma famille sont morts jeunes ») ou encore à l’architecture familiale couplée à l’aspect successoral (« je vis en concubinage, ma compagne n’aura rien si je décède avant elle »). Ces facteurs de choix restent éminemment personnels et seront difficiles à contrer.

Reste que la décision de retirer le capital est irrévocable, donc autant y réfléchir avec le plus de sérénité possible.

La clé: un budget détaillé

Sans deuxième pilier, que reste-t-il ? La rente AVS dont le montant maximal pour une personne seule est de CHF 2 370 par mois. . Pour atteindre ce montant, il faudra avoir cotisé sans interruption durant 44 ans (43 ans pour les femmes) et avoir gagné, en moyenne, quelque CHF 85 320 par an. Cette rente n’est perçue en 2018 que par 28% des bénéficiaires. Pour un couple marié, le montant de la rente ne dépassera pas CHF 3 555 par mois. En 2018, 58% des couples bénéficient de ce montant plafonné.. Pour connaître votre situation, demandez une projection de votre rente à votre caisse de compensation AVS. C’est gratuit et cela vous permettra de réfléchir sur une base correcte (www.ahv-iv.ch > Mémentos & Formulaires > Formulaires > Prestations de l’AVS > 318.282 - Demande de calcul d’une rente future).

Établissez ensuite un budget en vous basant sur votre budget actuel et en baissant les dépenses là où cela est possible pour la retraite (tapez « Mon budget pour ma retraite » sur votre moteur de recherche).

Dans vos revenus, incluez la rente AVS et celle prévue par votre caisse de pension (elle est indiquée sur votre certificat de prévoyance, mais vérifiez les hypothèses utilisées pour la calculer, notamment le taux d’intérêt appliqué sur l’épargne) et d’éventuels rendements mobiliers et immobiliers. Vous aurez ainsi une idée de vos revenus de rentier. Vous semblent-ils suffisants ? Pouvez-vous raisonnablement assurer votre quotidien avec ? Que faudrait-il de plus et où pouvez-vous économiser au fil du temps ?

À ces revenus peuvent s’ajouter des prestations du troisième pilier, en rente ou en capital. Le système de prévoyance en Suisse se base, en effet, sur trois piliers, même si le dernier est facultatif et donc de votre propre responsabilité. Essayez alors d’économiser,  si possible, par ce biais durant vos années d’activité professionnelle.

Analyse de prévoyance ou planification de retraite

Quand vous disposerez de votre budget complet, faites appel à un spécialiste, qui bénéficie des outils pour effectuer des calculs précis et qui pourra vous proposer des pistes pour préparer votre retraite. Cela peut se faire sous la forme d’une analyse de prévoyance, qui vous donne un aperçu de votre prévoyance actuelle et de ses lacunes ainsi qu’une projection de vos prestations à l’âge de la retraite, ou sous la forme d’une planification de retraite. Cette dernière, outre l’aspect prévoyance, prend également en compte l’évolution du patrimoine durant la retraite, le financement de divers projets, la fiscalité et son optimisation ainsi que les aspects successoraux. Elle propose un certain nombre de scénarios qui permettent de prendre une décision réfléchie.

Alors?

Prendre le capital nécessite d’avoir un équilibre entre les revenus et les dépenses et une situation financière saine, viable sur le long terme, avec une érosion contrôlée de sa fortune.

ParFabrice Welsch, Directeur général de la division Asset Management & Trading