L'économie suisse a progressé de 1,7% cet été, poursuivant sur sa lancée et démontrant sa capacité à s'adapter à son environnement.

MARCHÉS 26 novembre 2021
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L'économie suisse persiste et signe dans la croissance

Après une année 2021 à nouveau hors norme, l’économie suisse devrait poursuivre sur la route de la croissance en 2022, même si quelques ornières sont déjà visibles.

Hors norme, l’expression vaut aussi pour 2021. Alors que 2020 restera une année exceptionnelle du fait de la tornade pandémique et de ses conséquences sanitaires, humaines et économiques, 2021 sera tout aussi remarquable par l’ampleur de la reprise. Ce qui est vrai ailleurs l’est aussi en Suisse.

Dopée aux mesures de relance des banques centrales et aux actions de soutien des gouvernements, la croissance helvétique s’est ainsi sensiblement redressée ces derniers mois, portée d’abord par le redémarrage du commerce international – et de facto des exportations –, soutenue ensuite par le rebond tonique de l’activité industrielle, puis par la reprise, plus cahoteuse, de la consommation des ménages.

Si les chiffres de l’activité flirtent avec ceux de début 2020, ils reflètent une fois de plus la capacité de notre pays à s’adapter à un environnement instable et complexe. Le PIB au deuxième trimestre a affiché une hausse de 1,8%. Même si cette performance se situe en deçà des résultats européens, elle a ramené l’activité en Suisse à un niveau plus proche de ce qu’il était avant l’éclatement de la crise sanitaire que dans les pays voisins. Un niveau qui a été dépassé pendant l’été alors que le marché du travail continuait son embellie graduelle.

Malgré des chiffres de croissance dynamique, tout n’est pas encore pour le mieux dans le meilleur des mondes suisses. Certains pans de l’activité, notamment ceux liés à l’activité des services peinent à retrouver les niveaux d’avant le COVID-19. La demande reste encore flageolante, alors que ces secteurs ne retrouvent que difficilement les employés nécessaires à une reprise en plein de leur activité. C’est vrai dans l’hôtellerie et la restauration, mais pas seulement. Et, au-delà de la santé semble-t-il retrouvée du marché de l’emploi (le taux de chômage baisse régulièrement), se cache un nombre de travailleurs au chômage partiel encore nettement plus élevé qu’il ne l’était avant mars 2020.

Une inflation plus piquante

Le rebond conjoncturel de ces derniers mois s’est aussi traduit en difficultés d’approvisionnent persistantes. De nombreuses activités en font les frais que ce soit pour disposer de suffisamment de papier, de bois de construction ou encore de puces électroniques. Ce qui touche le plus les consommateurs reste cependant la nette hausse des cours de l’énergie, une hausse instillée par plusieurs facteurs disparates entre volonté des producteurs de contenir l’offre, difficulté d’augmenter les capacités de production, demande mondiale en nette hausse, flambée des coûts du fret maritime ou difficulté de transbordement dans des ports embouteillés.

Ces pressions à la hausse sur les prix des intrants se sont traduites en progression graduelle des prix, des prix à la production pour commencer, puis des prix à la consommation. En septembre dernier, «l’inflation» suisse se retrouvait ainsi en territoire positif (1,2% en glissement annuel), un niveau bien éloigné du déflationniste -0,6% d’il y a douze mois. Même si cette progression des prix à la consommation égratigne le pouvoir d’achat des ménages – les salaires progressent peu ou prou au même rythme –, elle reste encore bien contenue par rapport aux chiffres de la zone euro (4,1%) ou des États-Unis (6,2%).

Un franc toujours cher

Cette mollesse relative de l’inflation helvétique traduit tant la parcimonie des entreprises à reporter la hausse des coûts de production sur leur prix de vente que de la fermeté du franc. Après avoir perdu un peu de terrain en début d’année contre l’euro, notre chère devise n’en finit pas de se raffermir contre la monnaie unique. Elle continue de faire office de placement refuge face aux incertitudes internationales ou aux nouvelles péripéties européennes. Elle attire aussi des investisseurs désireux de placer leurs liquidités – les rendements des obligations de la Confédération sont anecdotiques, mais supérieurs à ceux de l’Allemagne. Cerise sur le gâteau du franc, la Suisse affiche une inflation bien moindre que celle qui mange le pouvoir d’achat des ménages européens ou américains, une situation qui «mécaniquement» redore l’attrait du franc.

Une croissance 2022 soutenue, mais plus normale

Si la croissance suisse a un peu déçu avant l’été, du moins comparée aux chiffres de la zone euro ou des États-Unis, les statistiques du PIB du troisième trimestre démontrent la résilience de notre économie, la capacité de nos entreprises à rebondir et à réorienter, en tout cas en partie, leurs chaînes d’approvisionnement, l’attractivité internationale de nos produits de niche, etc. De bons résultats ne seraient même pas une surprise puisque, depuis la crise financière de 2008, la Suisse affiche régulièrement une progression de son PIB proche de celle des États-Unis (environ 1,3% par trimestre depuis 2008), une progression bien plus élevée que celle de la zone euro (0,4% par trimestre sur la même période).

Au-delà des malheureux, mais dorénavant récurrents coups de froid liés à la pandémie, la croissance de notre pays devrait progresser en 2022 à un rythme du même acabit que celui de cette année, soit environ 3%. Derrière ces excellents résultats dans l’absolu, quelques lézardes se dessinent toutefois. Ces bons chiffres refléteront des effets de base importants, comme la morosité du premier trimestre de cette année. Ils pourront aussi pâtir de dépenses du gouvernement moins exceptionnelles, d’investissements un peu plus timorés et d’une dynamique un peu moins pimpante des exportations. Il ne faudra ainsi pas s’étonner d’assister, au cours des prochains mois, à un ou deux trimestres de croissance apathique.

La croissance de 2022 continuera de bénéficier d’un environnement de taux très bas, avec une BNS campant sur ses positions, alors que les taux longs des emprunts de la Confédération peineront à dépasser franchement zéro pour cent. Elle bénéficiera aussi de la santé financière des ménages, même si la progression des salaires pourrait en décevoir plus d’un. Avec un taux d’épargne élevé et un repli du chômage, il y a de la marge pour que la consommation progresse encore, une consommation davantage orientée vers les services au fur et à mesure que la vaccination progresse et dès que les mesures de distanciation sociales s’estompent.

2022 devrait ainsi se révéler un nouveau bon cru conjoncturel, mais un cru plus complexe que celui de cette année, un cru dont la charpente dépendra une fois encore du comportement du franc.

Cet article a paru sur Allnews le 25 novembre 2021

  • Au troisième trimestre 2021, la reprise s'est poursuivie. Le PIB de la Suisse a progressé de 1,7%, selon les chiffres publiés le 26 novembre par le Secrétariat d'État à l'économie. Le SECO précise par ailleurs que "le PIB dépassait de plus de 1% son niveau du 4e trimestre 2019, soit d'avant la crise".