Une équipe et son mentor regarde les contenus existants sur les sites du canton de Vaud.

Entreprises 6 octobre 2017

Un hackathon repense le tourisme vaudois

Soixante heures pour insuffler de nouvelles idées au tourisme dans le canton de Vaud: c'était le défi du Brainhack organisé le dernier week-end de septembre par The Shared Brain  et sponsorisé par la BCV et le Canton de Vaud. Récit d'une course contre la montre.

«I disrupt as I breathe»: les t-shirts distribués vendredi soir aux participants du Brainhack affichent la couleur.

Sur les tables, des sucreries à profusion, dans les frigos, des litres de boissons sucrées. Autant de goodies qui aideront les cerveaux à tenir pour les deux prochains jours de réflexion, au cœur de l’espace de coworking lausannois Gotham. T-Shirts rapidement enfilés, les participants échangent déjà à bâtons rompus. Ici, comme le veulent les règles, on se tutoie, on s’appelle par son prénom. Ils sont vaudois ou genevois, étudiants ou jeunes professionnels, souvent actifs dans le tourisme ou le digital, voire les deux. Ils sont venus pour aborder le tourisme sous un autre angle, s’amuser, faire des rencontres, et profiter de l’exercice stimulant de la réflexion à plusieurs. 

Petite déception: une vingtaine d’inscrits manquent à l'appel. Les organisateurs doivent recomposer à la hâte les groupes de réflexion. Au final, ils seront une quarantaine de participants. Le brief initial démarre. Donné par quatre membres de The Shared Brain, il est –volontairement – très vague.

Méthodologie de brainstorming

Mot d'ordre principal: «vous avez 48 heures pour être innovants, créatifs. Que votre cerveau se sente libre», explique Gregory Logan, cofondateur de The Shared Brain. Seul objectif, aboutir à un projet concret sur la thématique du tourisme à la fin du week-end. Quelques consignes méthodologiques s’ajoutent: «présentez d’abord chacun votre idée au sein du groupe afin de vous assurer que tout le monde puisse s’exprimer». Et c'est parti: déjà des claviers crépitent et les exposés fusent autour des tables. «Les touristes chinois manquent cruellement d’information, ce qu’ils apprécient, c’est blogging ‘in-depth‘, qui donne des renseignements ultra-précis», défend Hang, dans son équipe de trois personnes. «Toutes les idées ont leur place, pensons avec des ‘et’ et pas des ‘ou’», insiste une participante habituée des événements de ce type, quelques tables plus loin.

Des idées qui prennent forme

Samedi, la journée est rythmée par divers événements dont la présentation de Watson par des professionnels d’IBM, un atelier pour apprendre les bases d’un bon ‘pitch’ et une très brève ‘fuck-up night’, récit d’expériences touristiques ratées.

Surtout, la journée est marquée par le passage de mentors dont Thomas Cremese, fondateur de start-ups, et Sylvia Papasidero, conseillère PME pour la BCV. Vincent Bailly, responsable digital de l’Office de tourisme du Canton de Vaud et Steeve Pasche, directeur de Lausanne Tourisme, sont aussi présents tout au long de l’événement, répondant à toutes les questions. L’occasion pour les participants d’échanger sur les contraintes et l’organisation actuelle du tourisme vaudois, ainsi que sur sa réalité: il est dominé à Lausanne par un grand nombre de voyageurs d’affaires.

Un final en forme de grand stress

Dimanche, les visages sont tirés, la fatigue se fait sentir –certains ont travaillé tard dans la nuit– et les provisions de sucreries sont désormais bien entamées.

16h30, le jury s’installe: Laurent Spahr, conseiller PME Senior à la BCV, Pascal Allot, regional manager chez IBM, Stefano Brunetti Imfeld, président des hôteliers lausannois et Nadine Reichenthal, responsable de l’accélérateur Unil HEC. C’est parti pour deux heures de pitchs sous la menace d’Hichame Metatla, cofondateur de The Shared Brain, muni d’un gros pistolet chargé de flèches en mousse, prêt à tirer sur les orateurs trop longs. Les présentations sont de qualité très variable, parfois peu compréhensibles –visiblement tout le monde n’a pas retenu les leçons de l’atelier ‘pitch’–, d’autres claires et abouties. Le jury pose immédiatement ses questions: est-ce que le concept a été validé par des utilisateurs? Qu’en est-il des revenus? Parfois, ces interpellations sont des encouragements. «N’hésitez pas à vous présenter, à dire qui vous êtes, et la légitimité que vous avez pour vous exprimer sur un sujet», souligne ainsi Nadine Reichenthal. C’est finalement la présentation de Vaud eSportGames (voir ci-dessous) qui remporte la compétition.

A la différence des autres groupes, qui tentaient de simplifier l’expérience des touristes, le groupe mené par Douglas Finazzi –lausannois et déjà gagnant du brainhack de Genève– a proposé un concept unique: la création d’une compétition sportive virtuelle. Sa présentation, énergique et bien construite, a unanimement convaincu le jury.

Et la suite ?

Pour les participants, le but est rarement de se lancer désormais à temps plein dans le développement du projet présenté. «On n’est pas partis dans l’idée de fermer notre entreprise demain pour se lancer à 100% dans ce projet, le but était avant tout de réfléchir ensemble à une idée», explique Boris Bron, porteur du projet «Nous Vaud tourisme» (voir ci-dessous), spécialiste de prises de vue aériennes par drone et par avion.

Le vainqueur, Douglas Finazzi, mène déjà plusieurs projets entrepreneuriaux. Pour lui, le développement de son événement se fera à condition de trouver des partenaires. A lui de mener désormais des discussions plus étroites avec les responsables cantonaux du tourisme. Pour ces derniers, les deux jours passés aux côtés de ces innovateurs n’ont pas été du temps perdu: «j’ai beaucoup appris de vos questions, ça a été très instructif de vous voir travailler», note Vincent Bailly.

Disrupter, peut-être pas, mais insuffler des idées nouvelles… assurément.

 

Par Camille Andres, rédactrice, pour la BCV

Les projets présentés, en bref

Smooth travel: 1,8 million de personnes sont à un moment ou à un autre de leur vie touchées par des problèmes de mobilité en Suisse. Smooth app est une application qui calcule les parcours des personnes à mobilité réduite et propose des réductions sur les lieux à visiter. Les coûts seraient pris en charge par les assurances complémentaires sur les pertes de gains privées. Le plan de développement prévoit de contacter des assureurs, des partenaires, de tester la solution avec des utilisateurs.

Feedback du jury: la proposition de valeur n’est pas claire, mais elle doit être retravaillée car elle a un potentiel.

Le Nous-Vaud Tourisme: un projet d’application touristique basé sur Tinder. L’idée est de créer une application, avec des photos sur lesquelles on clique sur j’aime ou pas, à partir d’un rayon d’action défini, et d’obtenir des propositions en fonction de ses préférences. Cette solution casse la barrière de la langue, regroupe l’offre touristique trop diverse, aide les destinations plus petites à être connues au même titre que les grandes. Le financement se ferait par des partenaires, des licences, la vente de données des utilisateurs. Elle pourrait aussi être une simple fonctionnalité intégrée à l’app existante Vaud Guide. Le développement prendrait six mois et coûterait 35 000 francs.

Feedback du jury: l’idée des photos est très bonne, à développer pour Vaud mais il faut penser à une cible plus large.

120 Minutes: une application qui vise les cadres supérieurs, 30-40 ans, en voyage d’affaires dans le canton de Vaud, qui ont peu de temps pour profiter du lieu où ils sont. L’app propose, en fonction du temps de disponibilité entré par l’utilisateur et de sa géolocalisation, les activités proches. Le financement se ferait par diverses possibilités, dont des partenariats et la vente des données des utilisateurs, une version premium, des commissions sur des achats. Le développement est estimé à 30 000 francs et 70 000 francs seraient dévolus au marketing. Les revenus sont estimés à 75 000 francs pour la première année et l’application a le potentiel pour être utilisée au niveau mondial.

Feedback du jury: une excellente présentation, mais le modèle de revenu n’est pas très clair, même si cette solution semble intéressante et facile à mettre en œuvre.

Vaud eSportGames: ce serait le premier tournoi de tennis virtuel au monde au Swiss Tech Convention Center, intégré au Grand Chelem, qui réunirait 24 têtes d’affiche. L’événement mêlerait e-sport (sport électronique) et technologie. 131 millions de spectateurs prennent part à des événements d’e-sport et 1 milliard de personnes sont potentiellement intéressées par ce domaine. L’événement viserait notamment le tourisme asiatique. Il serait financé par des dons privés –notamment de banques–, le prix des tickets et du crowdfunding, et s’appuierait sur les champions vaudois de tennis. Le budget est estimé à 525 000 francs la première année, à 750 000 francs la deuxième année. Une page Facebook annonçant l’événement a déjà été créée.

Feedback du jury: une proposition dans l’air du temps, il faut penser à l’étendre à d’autres sports.

Paul-Compagnon de voyage: cette application se veut le «sextant vaudois». Elle est connectée à beaucoup d’outils (sites d’informations, réseaux sociaux…) en temps réel, connaît le profil de touriste de chacun et donne des informations d’activité en temps réel et des retours directs. L’objectif est de remplacer toutes les sources d’informations, trop multiples. Les coûts de développement seraient de 150 000 francs, les revenus viendraient d’une licence vendue par exemple à un office de tourisme.

Feedback du jury: une partie technique très (trop?) développée, mais le business plan est insuffisant. A repenser car la première licorne suisse, GetYourGuide, est partie sur une idée proche.

Aire Tourisme: des actions simples sur les aires d’autoroutes pour faire rester les touristes dans le canton de Vaud: affichage inspirant d’activités à faire dans un rayon d’action proche, activités –danser comme Charlie Chaplin–, informations sur les app existantes. Le but est de suggérer des activités pour donner envie de revenir dans la région et développer une promotion à long terme. La région est en effet un lieu de transit très important, notamment en voiture. Les coûts sont évalués à 200 000 francs. Les revenus seraient apportés par les institutions touristiques ou des partenariats avec des entreprises locales.

Feedback du jury: une excellente idée et un gros potentiel, mais à développer autrement, pas uniquement sur les aires d’autoroute.

Localismo: une plateforme et une application qui proposent des itinéraires validés par des habitants du canton et des locaux, à choisir selon ses envies. L’idée est de permettre aux visiteurs de sortir des sentiers battus. Le financement se ferait via des revenus publicitaires, des commissions sur des services, et avec un partenaire institutionnel, par exemple un office de tourisme. Les habitants seraient incités, via des concours, à produire des contenus authentiques, en décrivant des événements typiques de la région.

Feedback du jury: excellente idée, mais la cible n’est pas claire et le business plan reste à creuser.

Palmarès:

1er prixe: Vaud eSportGames

2e prix: 120 Minutes

3e prix: Paul-Compagnon de voyage 

Prix coup de cœur du jury (exceptionnel) : Localismo