Depuis 2014, les banques suisses ont des obligations renforcées vis-à-vis des autorités fiscales américaines.

VOTRE ARGENT 7 août 2017
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Pourquoi me demande-t-on si je suis américain quand je veux ouvrir un compte bancaire?

Depuis 2001 déjà, les dispositions fiscales américaines ont un impact sur les pratiques des banques suisses quant au traitement des intérêts et dividendes reçus de titres américains. Les banques ayant conclu un accord avec l’administration fiscale américaine (Internal Revenue Service – IRS) pour obtenir un statut d’intermédiaire qualifié (Qualified Intermediary) peuvent faire valoir directement, pour le compte de leurs clients, un taux de retenue d’impôt inférieur aux 30% requis sur les revenus de source américaine lorsqu’une convention de double imposition (CDI) existe entre le pays de résidence du client et les Etats-Unis, ce qui est le cas pour la Suisse. En contrepartie de cet avantage pour leurs clients, ces intermédiaires sont soumis à de fortes exigences en matière de renseignement et doivent annoncer leurs clients américains à l’IRS, ainsi que déclarer les paiements d’intérêts ou de dividendes de source américaine reçus par ces derniers.

Depuis 2014, les banques suisses ont des obligations renforcées vis-à-vis des autorités fiscales américaines et doivent transmettre des informations supplémentaires sur les contribuables américains (solde du compte, revenus perçus, produit brut de ventes de valeurs mobilières), que les revenus perçus soient ou non de source américaine. Ces informations doivent permettre à l’IRS de comparer ces données à celles que le contribuable américain lui a fournies via sa déclaration d’impôt, ceci dans une démarche de lutte contre l’évasion fiscale. Pour mémoire, le statut de contribuable américain repose sur la nationalité et non sur la seule résidence (citizenship-based taxation). Ces obligations sont issues d’une loi américaine adoptée en 2010 (Foreign Account Tax Compliance Act, plus connu sous son acronyme FATCA), la Confédération ayant signé un accord avec les Etats-Unis pour faciliter la mise en œuvre de cette législation en Suisse. Ainsi, les banques doivent pouvoir déterminer qui est américain au sens du droit américain (US Person, notion plus large que la seule nationalité) et qui ne l’est pas, au moyen de différents formulaires. Ceux-ci permettent aussi de savoir si le titulaire d’un dépôt-titres peut bénéficier d’une convention de double imposition (CDI) conclue entre les Etats-Unis et son pays de résidence, amoindrissant alors l’impôt prélevé à la source sur des revenus de source américaine, comme indiqué ci-dessous:

  • Client non américain résidant en Suisse (domicile principal). Il peut bénéficier de la CDI Suisse-Etats-Unis. Les taux de prélèvement sont de 15% pour les dividendes, 0% pour les intérêts. La retenue supplémentaire US (impôt suisse) de 15% pour les dividendes et de 30% pour les intérêts est récupérable auprès des autorités fiscales suisses.
  • Client non américain résidant dans un pays (autre que la Suisse) ayant conclu une CDI avec les Etats-Unis. Il peut bénéficier des taux prévus par sa CDI.
  • Clients non américain résidant dans un pays sans CDI ou renonçant à une CDI. Le prélèvement à la source est de 30% sur les dividendes et les intérêts.
  • US Person. Seul le client qui accepte de dévoiler son identité au fisc américain en signant un formulaire intitulé W-9 peut acquérir ou détenir des titres américains. La retenue américaine est alors de zéro sur les dividendes et les intérêts. S’il est domicilié en Suisse, il n’y a pas non plus de retenue supplémentaire.
  • Expatriés. Pour toute personne n’ayant pas la nationalité du pays de son domicile (par exemple un Français en Suisse), le fisc américain exige que les banques aient une confirmation du domicile pour que le client puisse bénéficier d’une CDI. Cette confirmation est établie pour la banque au moyen du formulaire W-8BEN. L’exigence de la confirmation du domicile ne vaut que si le client demande l’application d’une CDI.

 

Une loi parallèle à l’échange automatique de renseignements

Début 2017, la Suisse a connu l’entrée en vigueur de l’échange automatique de renseignements (EAR), nouvelle norme mondiale développée par l’OCDE et reposant sur des accords bi- et multilatéraux entre pays signataires. Développée dans un souci de transparence fiscale, elle implique l’échange réciproque d’informations concernant les résidents d’un état participant détenant des avoirs dans un autre pays participant, par exemple un résident canadien détenant des avoirs auprès d’une banque suisse.

À ce jour, la Suisse a conclu des accords en matière d’EAR avec plus de 60 Etats, mais les Etats-Unis n’en font pas partie. Entre la Suisse et les Etats-Unis, la transmission d’informations est donc pour l’instant unilatérale (de la Suisse vers les Etats-Unis). Le contribuable américain doit consentir auprès de sa banque à ce que son identité et les informations liées à son compte soient divulguées directement aux autorités fiscales américaines. Les contribuables américains qui ne donnent pas cet accord sont qualifiés de clients «non-consentants». Dans ce cas, les institutions financières sont tenues de transmettre aux autorités fiscales américaines une information anonyme et statistique du nombre de comptes (au sens large) de leurs clients «non-consentants» et du montant détenu par l’ensemble de ces clients. L’information sert ensuite de base au fisc américain pour présenter aux autorités suisses, le cas échéant, une demande d’assistance administrative, qui permettra la divulgation des noms des clients «non-consentants» et de leurs données financières par la Suisse au fisc américain.

Fin 2014, le Conseil fédéral avait adopté un mandat pour négocier avec les Etats-Unis le passage à un modèle de mise en œuvre de FATCA prévoyant l'échange automatique de renseignements, mais aucun accord n’a encore été trouvé à ce jour.

Un arrangement pour les avocats et notaires

Début 2016, une convention introduisant une exception dans l’accord FATCA pour les comptes gérés par des avocats ou des notaires a été signée, pour autant que ces comptes soient en lien avec des activités protégées légalement par le secret professionnel. Par conséquent, l’établissement financier qui gère un tel compte n’a pas à identifier les clients des avocats ou des notaires si ceux-ci lui ont confirmé par écrit que les comptes concernés entrent dans le champ d’application de cette exception. Cette dernière permet donc de garantir le respect du secret professionnel, auquel le droit suisse soumet les avocats et les notaires.

Dura lex, sed lex*

 

Dans le cadre des accords fiscaux liant la Suisse et les Etats-Unis, l’identification des ressortissants fiscaux américains est primordiale lors de toute entrée en relation (ouverture d’un compte, opérations sur titres, etc.) et lors de tout changement de circonstances.

 

* La loi est dure, mais c'est la loi

 Publié dans Générations, juillet-août 2017

ParFabrice Welsch, Directeur général de la division Asset Management & Trading