Polarmeer, de la série Faits et Gestes, 2014

Silvie Defraoui a formé, avec son époux, Chérif, de 1975 à 1994, une véritable «communauté de production», signant à deux textes et œuvres, regroupés sous le titre générique des Archives du futur. Il s’agit d’un travail au titre paradoxal qui interroge les notions d’espace et de temps, mais également celles de mémoire collective et individuelle, et d’oubli. Elle a poursuivi ce travail seule après le décès de son époux en 1994. Le couple d’artistes a également joué un rôle important sur les scènes artistiques genevoise et suisse par la création et l’enseignement, entre 1974 et 1998, de la section média mixtes de l’École supérieure des arts visuels (ESAV) à Genève, devenue la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD).

Tout en fournissant des contributions pionnières au développement de l’art vidéo, de l’installation, de l’utilisation de la photographie et de la projection, l’œuvre de Silvie Defraoui se caractérise par une grande variété technique au service d’une remarquable unité formelle et thématique. Son travail interroge les images, leur pouvoir, leur limite et la fascination ou le rejet qu’elles provoquent. Ses travaux intègrent des références artistiques tant populaires que savantes issues des cultures orientales et occidentales ainsi que des éléments ornementaux vernaculaires.

Dans cette série monumentale intitulée Faits et Gestes, l’artiste s’approprie une photographie de presse en noir et blanc, laquelle illustre ce que l’on nomme une «catastrophe naturelle», en l’occurrence la fonte des glaces tributaire du bouleversement climatique. Sur ces «paysages dramatiques», elle appose une série de fleurs, ici des iris, d’une beauté sidérante. Elle joue ainsi avec le contraste entre une nature dévastée et une nature magnifiée. L’option d’un tirage au format monumental questionne également les ambiguïtés et la pluralité du «réel», et casse les codes habituels de la reproduction. Ce choix va au-delà d’un enjeu esthétique et relève davantage d’une position engagée de l’artiste pour qui l’art a valeur de force transformatrice dans cette nouvelle ère de l’anthropocène qui nous interpelle.