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Inflation: le retour de l’enfant terrible?

L’inflation suscite aujourd’hui des débats nourris. C’est un classique des phases de reprise économique postrécession. Nos sociétés ayant perdu foi dans la «main invisible», la puissance publique intervient de façon de plus en plus appuyée lors des périodes de contractions brutales de l’activité. Le pire de la crise étant passé, la question de savoir si celle-ci n’a pas eu la main trop lourde se pose immanquablement.

Un air de déjà-vu

Au sortir de la récession de 2008 déjà, les scénarios de dérives inflationnistes proliféraient dans le sillage de la mise en place, par les banques centrales, d’instruments de politique monétaire alors totalement inédits: les assouplissements quantitatifs. Pour certains commentateurs, l’émission intensive de monnaie devait être le déclencheur d’une spirale ascensionnelle des prix. On connaît la suite... L’inflation a joué l’Arlésienne durant une décennie en Occident. Les prix à la consommation sont demeurés très inférieurs à leur moyenne des 40 dernières années. Et très en dessous des objectifs des 2% des banques centrales. La manne des liquidités s’est en revanche révélée un puissant levier de hausse des prix des actifs financiers, en premier lieu des marchés des actions.

Une statistique met le feu aux poudres

Aujourd’hui, les craintes qui se manifestent autour de l’inflation sont alimentées par le rebond des prix à la consommation aux États-Unis. Progressant vigoureusement sur un mois, l’indice a bondi à 4,2% sur un an en avril, un seuil qui n’avait plus été atteint depuis 2008.

Si les chiffres ont surpris par leur vigueur, cette poussée de fièvre était attendue. Elle s’explique principalement par des effets de base, la comparaison portant sur le niveau des prix d’une économie totalement à l’arrêt avec celui d’une économie en pleine réouverture, ainsi que par des perturbations provisoires sur les chaînes de production (semi-conducteurs) et d’approvisionnement (fret) dues à la pandémie. Ces facteurs brouilleront encore la lecture des prix américains à la consommation durant quelques mois. Les prochaines statistiques donneront lieu à des interprétations divergentes et, probablement, à quelques prises de position extrêmes qui entraîneront une certaine volatilité sur les marchés. Toutefois, selon notre scénario central, l’inflation devrait atteindre son pic annuel au tournant de l’été, ce qui devrait dissuader la banque centrale américaine de tout durcissement monétaire prématuré et dommageable pour la croissance.

Changement de régime

En matière d’inflation, le monde post-COVID ne sera néanmoins pas le monde d’avant. L’éventail des forces susceptibles de créer une dynamique des prix durablement plus soutenue est en effet mieux fourni qu’il y a dix ans. C’est la raison pour laquelle nous avons attiré l’attention des investisseurs, depuis plusieurs mois, sur la nécessité d’adapter leur portefeuille à un changement de régime inflationniste.

Les ressorts de ce changement sont multiples. Parmi ceux-ci, la perpétuation de politiques monétaires extrêmement accommodantes. Les rachats d’actifs ont regagné en intensité lors de la crise du COVID-19. Ils se traduisent par un gonflement de la masse monétaire plus rapide que la création de richesse. Ce déséquilibre équivaut de facto à une perte de valeur de la monnaie et peut induire des pressions haussières sur les prix.

Fait nouveau, les politiques monétaires expansives s’accompagnent aujourd’hui de plans de relance budgétaires sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Les milliers de milliards de la relance vont s’étaler sur plusieurs années. Ils constitueront des stimuli durables pour la croissance et des facteurs de soutien pour les prix.

Par leurs objectifs de réduction des inégalités, les politiques monétaires et budgétaires sont par ailleurs plus inflationnistes. Les mesures de soutien sont clairement orientées vers le travail plutôt que vers le capital. Elles devraient déboucher sur une diminution du chômage, sur une participation plus forte au marché du travail et, très progressivement, sur des pressions haussières sur les salaires et les prix.

L’autre grand axe de la relance, centré sur la rénovation des infrastructures et la transition énergétique est également de nature à soutenir les prix à travers la revalorisation des matières premières, qui vont connaître une forte demande durant la prochaine décennie.

À ces différents facteurs s’ajoute la volonté des États de raccourcir, voire de rapatrier, certaines chaînes de valeur pour éviter des ruptures d’approvisionnement semblables à celles qui sont survenues durant la crise du COVID-19. Enfin, intention moins avouable, ces mêmes États souhaitent davantage d’inflation, celle-ci permettant de réduire mécaniquement le poids d’un endettement public devenu difficilement supportable.

Tempérance des forces déflationnistes

Ces leviers inflationnistes seront néanmoins tempérés par des vecteurs désinflationnistes bien identifiés et puissants que les politiques monétaires accommodantes seules n’ont pas réussi à mettre en échec lors du cycle économique précédent. Parmi ceux-ci, on peut citer la mondialisation qui, en dépit de l’établissement de nouveaux foyers protectionnistes, restera le cadre de référence des échanges durant les prochaines décennies; le vieillissement des populations dans les pays développés qui réduit le potentiel de croissance des PIB; l’accélération de la numérisation de l’économie qui génère une baisse des coûts de production et permet une plus grande transparence des prix.

Un scénario gérable pour les marchés

Aujourd’hui, beaucoup d’éléments laissent finalement entrevoir une dynamique des prix un peu plus soutenue que durant les décennies précédentes sans que celle-ci menace de dégénérer en crise inflationniste. Ce changement de paradigme, qui va logiquement s’accompagner d’une hausse progressive des taux d’intérêt, sera plus marqué aux États-Unis qu’en Europe (Suisse incluse), où le spectre de la déflation commence seulement à s’éloigner.

Pour autant que le changement reste progressif et bien accompagné par les banques centrales, les marchés financiers seront capables de s’adapter à ce nouveau régime d’inflation, même si la transition pourrait provoquer quelques remous durant les prochains mois. Toutes les classes d’actifs et tous les secteurs d’activité ne sont néanmoins pas égaux face à ce tournant. Quels sont ceux dont il faut se méfier et ceux qu’il faut privilégier dans vos portefeuilles? Nous vous invitons à nous retrouver prochainement, en vidéo, pour prendre connaissance de nos préférences en matière d’investissement.