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«Il est important que les banques gagnent de l'argent pour pouvoir prêter»

Comment se protéger des taux d’intérêt négatifs? Michel Juvet (Bordier&Cie) a participé au Live Chat organisé par Le Temps et la BCV le 6 octobre 2016. Extraits.

Que signifie «se protéger des taux négatifs»? C'est plutôt aux banques de se protéger...

Ce sont, oui, les banques qui paient les intérêts à la Banque centrale. Elles doivent ensuite trouver différentes solutions pour rétablir leurs marges bénéficiaires. Elles peuvent passer aux clients la charge des intérêts (pas en vigueur dans les banques commerciales pour le moment, mais en vigueur dans les banques de gestion de fortune). Ou reporter cette charge sur d'autres activités. En montant, par exemple, la marge sur les prêts commerciaux ou hypothécaires. Plus embêtant pour la stabilité du système, elles peuvent être tentées de placer ces liquidités dans des instruments qui comportent des risques (actions, obligations, autres devises). Et il est important que les banques gagnent de l'argent pour pouvoir prêter. Pour les épargnants, la politique de taux négatifs entraîne une baisse importante des rendements obligataires. Ce qui affecte en particulier le rendement des fonds de pensions ou le rendement des placements. Se protéger signifie donc pour certains prendre plus de risques en achetant des actions par exemple pour essayer d'augmenter le rendement des actifs. C'est une réaction logique, mais qui pousse le système entier à prendre plus de risques.

Qu'est-ce qui empêcherait la BNS de faire «tourner la planche à billets» afin de financer les politiques sociales de manière à affaiblir le franc?

La raison... Assez vite, il n'y aurait plus de limites à l’activation de la planche à billets et on demanderait à la BNS de financer l'endettement public pour n'importe quelle activité. Ce n'est pas le rôle de la Banque centrale de financer des déficits budgétaires ou des programmes sociaux. Comme ses réserves sont en principe fluctuantes, que fera-t-on avec les programmes sociaux engagés lorsque la BNS devra réduire son bilan et ses réserves? Alors oui, à terme, cette politique affaiblirait le franc, mais comme le montre l’exemple du Zimbabwe, le pays risque ainsi de détruire sa crédibilité et sa devise.

Les taux d’intérêt négatifs sont-ils positifs ou négatifs pour l’économie?

L'expérience montre qu’ils ont malgré tout un effet positif dans le court terme, mais il ne faut pas que cette situation dure trop longtemps. Aujourd'hui, les effets négatifs commencent à se faire sentir. Certains épargnants sont ainsi tentés de retirer leur argent des banques pour le mettre dans un coffre, ce qui, effectué à grande échelle, réduit la liquidité à disposition dans le système. Les taux négatifs abaissent par ailleurs les rendements des placements à des niveaux si faibles qu'il devient difficile d'envisager des rendements suffisants pour le financement des caisses de prévoyance. Ils ont en outre un coût pour les banques. Comme déjà souligné, nous observons aussi que la création de crédit de la part des banques peut en souffrir, ce qui n'est pas bon pour la croissance économique (pas de crédit pas de croissance).

Est-ce que mettre de l'argent dans un coffre fort est vraiment efficace pour se protéger contre les taux négatifs?

Oui, c'est efficace! Mais, il s’agit de tenir compte de plusieurs éléments. Comparez le coût de location d'un coffre avec la charge de l'intérêt négatif! Gardez bien les fiches de retrait de votre banque pour pouvoir justifier ce cash lorsque vous voudrez le remettre sur un compte bancaire. N'oubliez pas de l'intégrer dans votre déclaration fiscale (c'est votre fortune)! Et pesez bien le pour et contre de l'aspect sécurité. Un taux négatif vaut mieux que de se faire voler son argent sans intérêt négatif!

Les assurances sont-elles capables de tenir encore cinq à dix ans avec des taux bas? Les jeunes générations en subiront-elles les conséquences?

C'est effectivement l'enjeu des dix prochaines années. La démographie dans tous les pays affaiblit le potentiel de croissance. La pyramide des âges fait en outre qu'il y aura moins d'actifs générant des cotisations AVS ou de retraite. Pour payer l'augmentation des rentes en volume (plus de retraités), il faut soit travailler plus longtemps (pour réduire le nombre de non-actifs et augmenter les rentes) ou générer des rendements d’investissements plus élevés. Mais, la croissance faible et les rendements obligataires à zéro sont des contraintes majeures pour les rendements futurs. Donc oui, le conflit intergénérationnel ne peut que se développer. La solidarité sera acceptée ou pas...

Quand peut-on espérer une hausse des taux d'intérêt en Suisse?

Question complexe à laquelle la BNS ne sait pas non plus répondre. Pour y arriver, il faudrait observer une reprise de l'inflation au-dessus de 0,5% - 1%, une croissance solide à 1,5% - 2% et une baisse des tensions ou risques politiques européens qui feraient repartir les capitaux étrangers. Comme vous le voyez, ces conditions ne sont pas à l'ordre du jour.

Prochains Live Chat Le Temps – BCV:

  • Jeudi 3 novembre avec Fabrizio Quirighetti
  • Jeudi 1 décembre avec Fernando Martins da Silva